Les prisonniers sont là, debout,
Depuis le matin immobile,
Sous le midi d'un soleil fou,
Et jusqu'au soir dément, fébrile.
Les heures n'en finissent pas
De sombrer, vides, sans substance,
Les gardes qui font les cent pas
Pétrifient même le silence.
Une voix claque durement :
"L'évadé demeure introuvable.
Vous connaissez la loi du camp,
Vous savez qu'elle est implacable."
Un à un dix sont désignés,
Et sur eux tombe la sentence
Qui les laisse seuls, résignés,
Sans aucun espoir de clémence.
Voici que l'un des condamnés
Soudain sanglote et se lamente :
"Mes pauvres enfants adorés !
Ma chère femme si aimante !"
Quelqu'un, décidé, sort du rang,
Le corps frêle mais l'oeil sagace :
"Je suis un prêtre vieillissant,
De cet homme je prends la place."
A ces mots l'instant s'est figé :
Aurait-il donc perdu la tête ?
Enfin l'échange est accepté :
Qu'il soit fait selon sa requête !
Lors, vers le Bunker de la Faim
S'en vont ceux que le sort accable,
Et déjà sur ce souterrain
Se clôt un néant insondable.
Quand le jour vient d'en retirer
Ce qui n'est plus que chair sans vie,
On voit encore respirer
Le prêtre, au fond de l'agonie.
On l'achève, mais sur ses traits
Une douceur insoutenable
Abat les murs les plus secrets
Du coeur, fût-il impénétrable.
* * * * * * * * * * * * * * *
Note : Je publie ce poème en hommage au Père Maximilien Kolbe,
né en Pologne en 1894 et mort au camp d'Auschwitz le 14 août 1941.
Fin juillet de cette année-là, un codétenu s'étant évadé, dix hommes
du même "bloc" furent désignés pour "payer" ce "forfait".
La sentence était atroce : être laissés sans eau ni nourriture, au
fond d'un souterrain, jusqu'à ce que mort s'ensuivît.
L'un des condamnés s'effondra en pleurs, se lamentant sur sa famille.
S'avança alors le Père Maximilien Kolbe qui s'offrait à sa place.
On sait, d'après le témoignage de gardes chargés de contrôler l'évolution
des choses, que le prêtre prépara ses compagnons à mourir dignement.
Voici 75 ans, le camp d'Auschwitz était libéré (précisément le
27 janvier 1945). Puissions-nous garder mémoire de ceux qui y périrent
et de ceux qui en revinrent, marqués à jamais.
Écrit par Ombrefeuille
De la corolle du silence
Le parfum de l'âme s'élance. (Ombrefeuille ... tout simplement ...) Catégorie : Histoire
Publié le 26/01/2020
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ta simplicité perce le coeur oui c'est ainsi partout que la torture accable vide inexorable froide mais un saint passe parfois venu de nulle part pour donner sa vie j'ai vu la clinique des déportés à Fleury où j'ai passé quelque temps ils vivaient comme au camp ramassant les miettes de pain et hurlant la nuit ma fille avait dix ans et venait leur parler merci colombre |
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marinette |
C'est terrible...le mot qui me vient est peut être faible ... Mais royalement raconté par une plume aux couleurs de l'espoir et de la vie ! Bravo Ombrefeuille ! |
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Yuba |
c'est atroce et tu as su retracer ce chapitre sinistre des camps de la mort avec humanité quelle douleur quelles tortures un hommage poignant merci amitiés intenses:) | |
romantique |
Un poème d'une implacable vérité dans son horreur qui tord littéralement le coeur, un témoignage qu'il fallait rendre au courage inébranlable de Père Maximilien Kolbe et à son charisme, puisqu'il parvint à maintenir la paix au sein de ce bunker de la faim où les prisonniers étaient tout simplement condamnés à mourir de faim... Ton poème, où tout est dit sobrement mais dans sa cruelle vérité, me fait penser à toutes ces victimes de la barbarie nazie, et immanquablement à mon grand-oncle qui fut déporté au camp de Rawa Ruska... Il en est revenu, pour mourir prématurément. Puisse-t-on ne jamais oublier ces horreurs pour que jamais ça ne recommence... |
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Matriochka |
Merci à vous, Marinette, Yuba, Romantique et Matriochka, pour vos mots en partage qui honorent mon texte et concourent à saluer la mémoire de celui qui sut donner sa vie pour un autre et aussi la mémoire de tous ceux qui connurent l'horreur des camps. Notre respect envers ces victimes de l'extermination nazie est sans limites et puise sa source avant tout dans le grand silence de l'âme. |
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Ombrefeuille |
Le Père Kolbe est ce que l'humanité a de plus grand, parmi les justes il s'inscrit, l'homme honorable qui sert et vit le destin d'une âme noble chérissant l'amour et l'affection pour tous les hommes. Que sa mémoire soit honorée par nous tous qui vous lisons, et que nous fassions autour de votre poème comme une veille qui garde le Père Kolbe. Merci beaucoup Ombrefeuille dans ces jours dramatiques de cérémonies de donner à espérer en l'humaine nature, ici soulevée par la foi. | |
jacou |
J’écrivais, avant que l’affligeante CENSURE qui semble être ici leitmotiv : « Les prisonniers sont en désaccord dans TOUTE la strophe »â€¦ Je réitère !!! | |
CharlesSABATIER |
Non, "les prisonniers" ne sont pas en désaccord, Charles Sabatier : relisez mieux, ou revoyez les éléments de syntaxe qui vous manquent ! | |
jacou |
Merci à vous, Jacou, pour vos deux interventions. Vous soulignez, avec ce sens de la synthèse et de la profondeur qui vous caractérise, à quel point l'exemple du Père Kolbe demeure une source vivante d'humanité. Et vous remettez fort justement à sa place l'esprit chagrin qui réitère (je dirai plus exactement "qui récidive") après que vous (vous-même et/ou les autres modérateurs) ont supprimé son premier comm, ce dont je vous sais gré. S'il plaît à ce monsieur de poster des inepties infondées ne reposant sur aucun argument, et de montrer ainsi son vrai visage, tant mieux, au fond ! Ses mots ne pèsent pas plus lourd qu'un éternuement de puce, si tant est que les puces éternuent ! Il s'agit de sa part d'une petite vengeance mesquine après que je lui eus tapé sur les doigts en raison d'un texte de son cru, non seulement insultant envers tous les membres de ce site (ce qui eût suffi en soi), mais encore écrit en dépit des règles de la métrique et de la rime dont il se targuait précisément. Revenons, car c'est mille fois plus intéressant, à ces exemples de courage que sont des gens comme le Père Kolbe, le Colonel Arnaud Beltrame et tant d'autres, pas toujours connus. Ce sont eux qui peuvent nourrir notre réflexion et soutenir nos engagements, si modestes soient ces derniers. Merci encore à vous, Jacou, ainsi qu'à Marinette, Yuba, Romantique et Matriochka, pour vos partages pleins du respect dû au Père Kolbe. |
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Ombrefeuille |
Un poème d'une grande sobriété qui nous rappelle l'horreur des guerres et les sacrifices de ces gens hors du commun Le monde ne semble pas avoir compris à croire que certaines personnes ne sont plus humaines ou que leur conscience est détournée de la réalité et ne sait plus faire la différence entre le bien et le mal. Vraiment un grand merci pour avoir fait ce poème. Ce triste passé doit être présent à notre esprit pour faire comprendre toutes ces misères |
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roserose |
bel ecrit | |
douceurdevivre |
Merci, Rose et Douceur, pour vos lectures et vos comms, l'un bref et l'autre développé, tous deux aussi vrais et essentiels. L'histoire ne se répète certes pas, mais souvent elle bégaie (cette expression n'est pas de moi, mais j'ai oublié de qui elle provient). Aussi prenons garde à ne pas donner aux fanatiques d'aujourd'hui l'heur de copier les atrocités de ceux d'autrefois ... D'où l'importance de l'enseignement inlassable de l'Histoire, à l'école mais pas uniquement, et d'une constante recherche du sens des événements passés, d'une rigoureuse analyse, loin des discours incantatoires et des postures pseudo-savantes des marchands de "fake-news" et autres théories du complot. Car ce sont de tels artifices qui ont abouti au système nazi qui fit facilement florès sur les frustrations et échecs d'une paix mal ficelée. |
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Ombrefeuille |
Il est vraiment intéressant ce texte Ombrefeuille, je viens de publier mon texte sur une prison, qui n'était pas du même genre, mais je songeais justement à faire un texte là-dessus, mais pour l'écrire dans l'avenir et en furetant sur les textes râté depuis des jours, je tombe sur celui-là... Je mets donc en favoris pour m'inspirer de son ambiance et tenter d'aller projeter cela un peu plus loin dans le temps... Merci Ombrefeuille. |
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Dafide |
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