Il n'est rien de plus triste qu'une larme amère
Qui vient voiler le beau visage d'une mère ;
Rien de plus insoutenable que le sombre œil
D'une bien belle femme meurtrie par le deuil !

Oui ; en ce magnifique matin de printemps,
Alors que je me promenais allègrement
A travers les champs tout recouverts de fleurs jaunes,
J'en vis une qui semblait sortir de l'automne.

Ce rosier qui, je ne sais par quel malheur,
Voyait si vite faner sa première rose
En ces tous premiers jours de la saison des fleurs,
Me plongea dans une méditation morose.

Annette, ce rosier au feuillage éploré
M'a fait penser à toi, jeune femme dévorée
Par le chagrin de la bien précoce perte
Du beau fruit de tes entrailles encore ouvertes !

Comme lui, tu as fleuri au printemps de l'âge,
Perdu comme lui ta toute première fleur,
Et comme lui, d'un funeste voile de pleurs,
Tu as dû recouvrir ton merveilleux visage.

Sèche tes larmes et souris donc à la vie,
Car si ton sort est de ceux que nulle n'envie,
Sache qu'il est parti de ce monde furieux,
Pour goûter au calme pieux des cieux !

Oui ; cette fleur trop belle pour l'œil des humains,
A été enlevée par les mains du Divin,
Pour orner et égayer ses très saints jardins,
En compagnie des adorables chérubins !