Mon moteur tousse !
C'est grave docteur ?
Le mécano me regarda avec un air ahuri. Il sentait fort, l'huile de vidange et la transpiration, des effluves qui semblaient parvenir de tout son corps revêtu d'une salopette bleue pétrole parsemée de taches d'huile d'olive et de miettes de pain en décomposition.
J'attendais son diagnostic.
Je craignais le pire.
Il émit un grognement qui ressemblait étrangement à une ratée de moteur.
Le mimétisme de l'homme et de la machine !
Il toussa lui aussi.
Son carburateur pulmonaire devait être encore plus encrassé que celui des voitures pré-injection.
Il souleva le capot du moteur et plongea dedans comme une otarie dans l'eau.
J'étais derrière lui, inquiet. Je ne voyais que son gros derrière bien gras.
Avalé par le moteur jusqu'à la taille, il farfouillait dedans à la recherche de la panne perdue…
J'entendais des bruits métalliques aussi angoissants que ceux des lames des guillotines au chômage depuis l'abolition de la peine de mort.
Plus loin, au fond du garage, un autre mécano voguait sous une voiture en chantant :
- OOOO sole mio…..
On était dans un atelier « Alfa-Roméo » et cette chanson italienne me rassura plutôt. Quelle angoisse si je l'avais entendu chanter en polonais !
Mon mécano émergea de mon moteur en murmurant :
- c'est le joint de culasse !
En se retournant il projeta sur moi quelques gouttes d'huile de vidange bien noire et grasse. Ma chemise blanche se trouva moucheté comme le poil d'un labrador.
Il s'excusa à peine.
Je tentais une réplique humoristique :
- Oh, ce n'est pas grave, il aurait fallu que je me reculasse !
La première fois de sa vie qu'il entendait un imparfait du subjonctif ; il prit ça comme une insulte, habitué qu'il était à n'utiliser que le présent de l'indicatif. Il eut l'impression de rencontrer un lion dans le rayon surgelés du Géant Casino.
Il répéta :
- C'est le joint de culasse !
Moi je savais que c'était grave, une sorte d'AVC du moteur qui pouvait conduire au coulage d'une bielle.
Le temps s'était figé.
J'avais l'impression de patauger dans de l'huile de vidange…
Et puis, avant de partir en ayant l'impression d'abandonner mon bébé (heu ma voiture) dans ce garage, je ne pus m'empêcher de dire à Mario le mécano :
- Il ne faudrait pas que vous vous tracassassiez pour les taches sur ma chemise !
Il reçut ce subjonctif imparfait en plein dans le visage, le mécanicien.
Il devint tout rouge et décrocha, d'un panneau mural, un gros marteau.
Et il courut vers moi, la main levée serrant fort le manche de l'outil à tête d'acier…
Écrit par virgile
On ne peut être poète sans quelque folie. Démocrite.
Catégorie : Drole
Publié le 03/10/2015
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