Si je pouvais choisir, au gré des millénaires
Où notre humanité se forgea peu à peu,
Un siècle bien précis, un pays, un milieu
Qui me soient dévolus pour naître en cette terre,
Il serait bien ardu d'affronter un tel jeu.
Bien qu'il soit excitant de se rêver à l'ère
Où les primates osaient la position debout,
Il ne m'apparaît pas qu'un tel rendez-vous
Justifie de tenter ce retour en arrière…
J'opinerai plutôt, au temps des pyramides,
A vivre le destin fastueux d'un pharaon,
Régnant sur ses fellahs, tel Toutankhamon
Dont la gloire à ce jour n'a pas pris une ride.
Il m'eût été plaisant de naître en cette Gaule
Où, dit-on, nos ancêtres ont goûté l'élixir
Que distillaient pour eux, et pour leur bon plaisir,
Des druides moustachus dans de magiques fioles.
J'aurai pu vivre, aussi, à l'heure où les trouvères
Et autres baladins amusaient de leurs tours
Les nobles rassemblés dans leurs somptueux atours,
Aux pieds de leur seigneur buvant à l'aiguière.
Il eût été tentant de partager les fastes
Dont Louis le quatorzième usa sans retenue
Et d'avoir à la cour une vie dissolue,
Réservée aux élus d'une certaine caste.
Plus tard, Napoléon, d'un édit impérial,
Reconnaissant mes dons de subtil stratège,
M'aurait récompensé d'un titre qui protège
A jamais mes talents, me faisant général…
A la révolution, fréquentant Robespierre,
J'aurai peut-être été un ardent jacobin
Et j'aurai combattu le clan des girondins
Avant que l'échafaud tranche ma tête altière ?
Plus près de mes aïeux, lors de la grande guerre,
Dans la boue des tranchées, baïonnette au canon,
M'élançant à l'assaut des hordes de teutons,
Il m'eût été donné de rejoindre mes frères
Que la mort emporta d'une balle en plein front.
Rêves que tout cela, destins imaginaires,
Il faut se contenter d'un présent moins glorieux
Et laisser en chemin à ces doctes aïeux
La gloire méritée dont ils s'approprièrent,
Alors que je croupis dans un présent de gueux.
Il me reste pourtant, si Dieu me prête vie,
L'espoir qu'un aléa me vaille, un prochain jour,
L'honneur d'accéder à la gloire au détour
D'un exploit insensé qui soudain sanctifie
Ce désir enfantin d'un tout autre parcours.
Bien d'autres ont, avant moi, souhaité que l'existence
Leur réserve, un matin, un tout autre chemin.
Peu furent exaucés, les rails du destin,
Soigneusement tracés, ne donnent cette chance
Qu'à des élus triés dans un cercle restreint.
Comme tous mes prochains, nés et morts à la chaîne,
Je rejoindrai un jour l'envers de ce décor
Ou seule la poussière émanant de mon corps
Témoignera, si peu, dans ces vers que j'égrène,
De l'espoir, insensé, de survivre à ma mort.
Poème Précédent | Poème Suivant |
Divers à découvrir... | Poèmes de sllyboulo au hasard |
Annonces Google |
![]() |
Je te souhaite une très longue vie d'écriture tu le mérites absolument. |
eric ![]() |
![]() |
excellente revue d'histoire de France ( Napoléon a été un peu en avance sur la révolution ) mais cela n'enlève rien à la qualité de ce poème |
PATGUI ![]() |
![]() |
Magistral ! Ce poème est un régal. Merci |
Iloa Mys ![]() |