Je suis branché
Je n'échappe à aucune tendance
Tu peux parler ami, les débats sont vite clos
J'ai toujours une longueur d'avance
Expert du dernier cri, j'aurais le dernier mot
Je suis branché
Aux appareils que je brandis
Pour soutenir mon apologie
Celle d'une civilisation illuminée par les écrans
Vois, comme notre intellect est grand
Je suis branché
J'ai tout à portée de clavier
L'instantané, l'automatique, le prémâché
Qui me soulagent du moindre effort à faire
Plus besoin de parler, bouger ou réfléchir
La plus grande merveille de notre ère
Intelligence artificielle, c'est le cas de le dire
Artificielle, comme le pouvoir que ces objets nous confèrent
Artificielle, comme cette lumière dont on a fait notre soleil
Artificielle comme mon élévation
Haute technologie, haute définition
Et sombre ironie
D'avoir touché le fond
Je suis branché
Esclave d'un téléphone mobile
Pour moi c'est plutôt l'atrophie
Au sein d'une routine où le sacré s'oublie
Humanité évincée petit à petit
Pris dans la toile de Google
De Microsoft, Amazon, Facebook et les autres
Qui glissent sournoisement leurs puces dans nos chairs
Actionnaires de l'enfer
Déguisés en apôtres
Je suis branché
Assombri
Et j'enchaine les mises à jour
A moins que ce ne soit l'inverse
L'esprit vacillant, en sursis
Sous la noirceur qui s'y déverse
Je suis branché
Je les laisserai implémenter
Le jour de mon obsolescence
Je les laisserai reformater
Où achever enfin ma conscience
Car je suis dépendant, assisté
Sans défense
200 Gigas dans la poche
Mais aucune capacité
Je suis branché
Perdu dans mes applications virtuelles
Comme pour me détourner
De questions bien réelles
Je suis branché
Scotché à un écran tactile
Mes jours faciles
Sonnent vides et faux
Je me demande souvent quel abruti
Ou quel cynique au cœur noirci
A nommé les réseaux sociaux
Je cherche la connexion au mauvais endroit
En carence de contact humain
J'ai froid
Pendant que mon fournisseur d'accès
Se frotte les mains
Je suis branché
Télé-visé, télé-surveillé, télé-chargé
Téléguidé
Je subis le martèlement incessant des écrans
Qui asservissent mon esprit
Et s'approprient mon temps de vie
Je suis sans fil
Peut-être parce que je l'ai perdu
Je suis branché
Ironiquement je me sens à câbler
Je suis sans fil
Mais je reste un pantin
Je suis branché
Pourtant je suis éteint
Écrit par poesiedesrues
Tâche toujours de voir plus loin
Toute âme, à sa manière, est belle Et l'artiste n'est qu'un humain Qui a levé les yeux au ciel Catégorie : Social
Publié le 31/10/2019
|
Poème Précédent | Poème Suivant |
Social à découvrir... | Poèmes de poesiedesrues au hasard |
Annonces Google |
ah c'est vous le robot qui marche à contre-sens dans la rue de la vie vite mettez du sens dans vos perfusions jetez les sociobits mangez une carotte et regardez le ciel en chantant coccinelle |
|
marinette |
A l'heure d'aujourd'hui s'il fallait revenir en arrière ce serait catastrophique | |
Belle de jour |
J'adore ce mot de fin : je suis branché pourtant je suis éteint... "Cyber, on est si biens, fiers de ne plus être humains" comme le chantait Zazie il y a déjà quinze ans en arrière... Merci pour ce poème que je trouve très bien écrit. | |
grêle |
retrouver les plaisirs simples édifiant:) | |
romantique |
J'ai aimé ce poème écrit à la première personne, car pour dénoncer les excès de la technologie, il importe que nous reconnaissions tous notre dépendance aux outils connectés. Donc bravo pour cette clairvoyance. J'ai un secret pour "débrancher" : J'ai un smartphone mais pas de connexion web dessus (c'est juste que pour les textos, c'est plus facile que sur les téléphones à touches !), il est des jours où je n'allume pas l'ordi (surnommé "le Gros", car il est vraiment très gros !), et je file de temps en temps dans un monastère orthodoxe perdu en pleine montagne, là où il y a du réseau ... les jours de beau temps, sans brume ni nuages ! De vrais espaces de liberté qui me permettent de goûter les bienfaits des outils techno sans me laisser croquer toute crue ! Il faudra me faire cuire d'abord, et ça, c'est pas gagné !!! :))) |
|
Ombrefeuille |
Une réflexion très pertinente sur les dérives où peuvent nous mener les technologies actuelles, qui prétendent nous mettre en communication avec le monde entier... en nous coupant de nos proches, des personnes que nous pouvons croiser "en vrai" chaque jour, mais aussi de la vie et de la réalité. Cela arrive lorsque nous-même donnons à nos smartphones la place exagérée qu'il n'ont pas, alors qu'ils ne sont, au départ, que des outils de communication. C'est donc à chacun/e de nous d'apprendre à ne pas se laisser dépasser par nos outils numériques pour ne pas oublier la "vraie réalité"! |
|
Matriochka |
"Réseau sociaux" sonne comme "plan social" (pour les licenciements) : tout l'art de la litote oxymorique... J'approuve grandement votre poème, tout y résonne en moi dans mon effarement de prisonnier, de bête pris au licou et menée de main sûre vers l'esclavage doux de la technologie. Le monde à venir est cauchemar, un Philip K. Dick ou un Aldous Huxley l'avaient pressenti, quasiment décrit. C'étaient les années 1960/1970, époque où la civilisation dominée par l'informatique et la robotique, alliées aux expérimentations des drogues douces de conditionnement, sur fond de guerre mondiale de tous contre tous et de chacun contre chacun (avec le délitement concomitant des solidarités) ont pris le pas, ont envahi tout le champ de notre conscience, désormais asservie à ce qui la dépassera en vitesse de traitement d'informations, en connexions de milliards de synapses, inéluctablement... Mais nous, l'humanité, nous avons à entrevoir la collapsologie comme un autre horizon, donc nous allons devoir revenir aux basiques : résistance et retour au néolithique ! Bravo encore pour ce poème, un vrai pétard ! | |
jacou |
Merci à tous pour ces réactions et ces partages ! Merci pour ces petites astuces, Ombrefeuille, j'adhère à votre démarche. Matriochka, merci pour votre réflexion, en effet, plutot que de tout rejeter en bloc, remettre les smartphones et compagnie à leurs places d'outils est un bon moyen de profiter de ce qu'ils ont a offrir sans se faire complètement aspirer par eux ! Jacou, je suis fan de votre prose (et de votre culture), vous avez un vrai talent pour trouver les mots justes. |
|
poesiedesrues |
Annonces Google |