J'ai fait un rêve cette nuit, j'ai vu venir à moi les ombres du passé. Elles marchaient le front bas, le pas lent, semblables aux cohortes vaincues que l'espoir a quitté. Arrivées près de moi elles se sont arrêtées,j'ai voulu leur parler, leur dire qu'elles me manquaient et que je les aimais, mais mes lèvres tremblantes sont demeurées muettes. J'ai voulu les toucher, caresser leurs visages et puis prendre leurs mains, mais elles m'ont repoussé d'un air triste et blasé et ont, en soupirant,repris leur procession. Alors,un vent glacial a soufflé sur mon âme, mon cœur s'est emballé et mes yeux embués les ont vu disparaitre dans les limbes des songes. Quand dans le matin blême je me suis éveillé, la chambre aux volets clos cherchait en vain à retenir la nuit, mais tout comme mes ombres elle s'est enfuie aussi. Dans la lumière du jour j'ai pu revoir ma vie, sans joie et solitaire, semblable au naufragé qui cherche en vain son île.Les ombres du passé ne vivent que la nuit et nul ne peut jamais cheminer avec elles, fantômes évanescents de nos pesants regrets elles sont la projection de nos vies égarées. Alors puisqu'il faut vivre, vivons sans un remord et laissons à l'oubli les ombres du passé.