Je suis resté passif devant la catastrophe
Là, à quelque encablure au large de mes pas
Sombra, comme je suivais l'ami Saint Christophe*
Un navire épuisé marqué pour le trépas
La foule amassée me ferma l'accès au site
Je n'eus pas ce plaisir profond d'être un curieux
Au spectacle de la mort toujours en visite
Ne tournant pas de l'œil, occupé du sérieux
J'errai tristement sur le quai, en proie à moi
À la vacuité malsaine où ma vie m'enchaîne
Quand soudain chuchota "Hé !" une frêle voix
Un enfant s'approcha, au pull de rouge laine
"Monsieur, vous semblez triste ? Est-ce notre pays ?"
Je répondis "Non", et que la Mort me manquait...
"Alors ! Les mineurs que le grisou a haï
Vont vous plaire !"... Je le suivis, et je souriais !
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* Saint-Christophe est le patron des voyageurs et errants et passants
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N. B. : Je voulais conserver pour titre à ce poème, posté autrefois ici avec le titre "Le badaud", ce mot mais, en le vérifiant dans les Larousse et Robert, j'ai constaté qu'il n'était qu'adjectif. En tant que nom, "badaud" est synonyme de "sot, niais", et un dictionnaire en exemple fournit seulement une acception journalistique récente du mot comme nom, selon un usage qui s'est imposé. Je préfère cependant mon "curieux" contrarié ici, que l'attente de la mort ne rend pas "sot", lol
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Triste
Publié le 13/11/2021
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C'est joliment triste "la mort me manquait" | |
Edelphe |
Et c'est ainsi que le fantastique surgit dans la vie quotidienne, comme l'inattendu sous votre plume plus inventive que jamais ! Car entre les marins du grand large et les mineurs du grand fond, une dimension demeure : la mort côtoyée chaque jour. Il faut des plumes comme Zola et Hugo pour parler de ces hommes, ou encore la vôtre, qui adopte un biais en décalé pour nous faire plonger avec plus de force dans le vif du sujet. |
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Ombrefeuille |
Bien beau poème sur la curiosité mal placée face à la mort... | |
Lucyline |
La mort reste la plus "fatastique " des choses et qu'il est normal qu'elle interpelle tellement notre curiosité . Bravo et merci Georges pour ce texte qui représente pour moi ce lien etroit entre l'humain et des pensées les plus mystérieuses. |
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Yuba |
Edelphe, mille mercis à vous !!! La Mort malheureusement ne manque pas ses rendez-vous... Il s'agit d'être un peu contrariant avec elle au premier rendez-vous, le seul je le crains... Mon curieux est bien trop curieux spécimen lol |
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jacou |
Ombrefeuille, j'adore comme vous lisez, et je vous lis d'abondance ! :) Oui, le ton décalé que vous avez perçu qui est une horrible envie au fond, où je me suis rappelé un étonnant poème en prose baudelairien (étonnant sauf si l'on oublie que Baudelaire a traduit l'œuvre fantastique d'Edgar Poe) intitulé "Mademoiselle Bistouri" dans lequel une jeune et jolie femme demande au narrateur qu'elle a séduit de revenir la prochaine fois revêtu de sa tenue de chirurgien ayant si possible gardé des traces de sang sur son vêtement... Mais si Zola est si fort romancier de et dans son temps, c'est qu'il pratiquait comme Baudelaire ("L'humble servante qui dort sous cette pelouse...") l'amour paradoxal de l'humanité, qui ne méconnaît pas pour moi la cruauté humaine qui est de vivre et d'en souffrir tout en aimant ses proches et son prochain, et pourtant toujours de témoigner de la beauté des hommes au sens générique où les femmes sont, de leurs audaces et de ce qui les pousse hommes et femmes à se dépasser et à aimer de vivre, même dangereusement ! C'est un paradoxe de percevoir le beau danger que l'homme consent à affronter pour aider son semblable en chaque occasion où il peut donner sa vie pour en sauver une autre. La Mort peut sembler courtisée par les meilleurs mais c'est là un paradoxe, et rien ne dit que mon "curieux" ne fut pas jadis un médecin, un sauveteur en mer, un ingénieur des mines, ainsi que Novalis était gérant d'une mine en poète (je doute ici lol)... J'ai pensé à Baudelaire, à ce beau siècle dix-neuvième en France qui est si riche en littératures et en arts et en inventions ! |
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jacou |
Lucyline, merci beaucoup à toi ! La mort nous voudra des crosses, n'allons pas chercher noise à celle qui peut nous bannir du paradis partiel et momentané que nous édifions jour après jour et chaque jour, qu'elle ruinera et qu'il s'agit d'oublier... "Un jour la mort viendra et elle aura tes yeux" : j'ai apprécié de retrouver ce vers de Cesare Pavese qui m'habite dans un livre consacré à la sérénité et aux états d'âme par un psychothérapeute qui aime beaucoup la poésie au vu des citations contenues dans son ouvrage... |
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jacou |
Assia, je te remercie. Le Fantastique est le domaine premier où explorer en littérature le mystère de la vie et ce que nous ne comprenons pas, notre place ici-bas, notre rôle dans un univers inconscient qui ne se soucie pas de nous, notre hasard qui nous incarne maintenant, etc... La mort est curieuse, puisqu'elle arrête le processus de la vie qui s'épanouit de durer par un vieillissement dans l'entropie, elle nous abolit individuellement, mais c'est pour le bien apparent de l'ensemble du vivant où elle dispose et disperse : la mort n'est pas anti-vie, elle est sans... | |
jacou |
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