Fanny cueille une fleur dans un champ de lavandes
Humant profondément en sa robe violette
C'est la saison douce, la saison des provendes
Elle a couru depuis le chemin, elle halète
Sa poitrine sous son corsage se soulève
Elle a rêvé l'instant depuis ce matin calme
Il y a au monde un seul couple, Adam et Ève
Sulamite et Salomon d'anciennes palmes*
Le vent se lève et court en sifflant devant elle
Il emporte chapeau puis rubans de dentelles
Ce n'est pas l'homme d'un rêve fraternel
Mais un chenapan aimant nue la femme belle
Sa petite soeur Toots l'a suivie dans le champ
Sa rousseur émouvante éclate en plein soleil
Elle rit, elle joue, fredonne son doux chant
Disant le conte où la fée révéla merveille
Les deux filles vouées à leurs occupations
La grande s'éloigne un peu, serrant sur son coeur
L'objet bien trop fragile enfermant sa passion
Qui a voyagé loin, contre le Temps vainqueur
C'est un papier froissé du format d'une lettre
Prestement griffonné d'une écriture exquise
Elle reconnaît là les mots vibrants d'un Être
Qui est solaire et sort de son cœur la banquise
John Keats donne de ses nouvelles si lointaines
À sa fiancée perdue, Fanny Brawne, c'est Elle
Qui poursuit les mots fous à en perdre l'haleine
Des mots voulus aussi bien d'amour immortel
Le poète a semé l'abondance des vers
C'est un homme qui est pauvre et follement jeune
Il se sait pris de la maladie si sévère
Détruisant ses poumons, l'obligeant aux longs jeûnes
John est à Rome où la Femme, de l'Angleterre
Vole en songe auprès d'un tuberculeux à mort
Elle s'assied dans la lavande, solitaire
Au bord de défaillir pensant à des remords
Il a dédicacé son tout dernier poème
Qui, de John à Fanny, aura postérité
Elle sait que jamais plus ils ne diront "j'aime"
Pour la jeune femme, c'est Le suprême Été
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*Allusion au Cantique biblique de Salomon
(John Keats, poète romantique anglais, a aimé Fanny Brawne, ils allaient se fiancer quand il est mort de tuberculose, à 26 ans, en 1821)
[Le film "Bright Star" ("Étoile brillante ou étincelante", titre d'un poème de Keats lu dans ce film) de Jane Campion raconte leur passion. Un recueil des lettres échangées entre John Keats et Fanny Brawne est paru.]
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Poésie
Publié le 15/12/2021
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Bsr, En Septembre, l'An passé, il était " Etincelante Etoile " .. :) Le relire, c'est revivre l'Instant émotif : Nature !! Senteurs !! Simplicité !! Réception d'un Message .. s'éloigner pour boire les Mots de l'Aimé .. Texte Magnifique ! Amitié, LyS .. |
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Lys-Clea |
Merci Claire, la poésie et tes coms : tout comme :) Amitié. |
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jacou |
J’ai lu ton poème comme on regarde un film qui déroule de belles images dans lesquelles s’inscrit une forte histoire d’amour... Vraiment très beau !!! | |
Lucyline |
Merci à toi. J'ai aimé ce film d'une parfaite sensibilité, et d'une superbe couleur qui est hommage d'une cinéaste chevronnée (Jane Campion est l'auteure aussi de "La leçon de piano", très émouvant) à la poésie avec des plans magnifiques. Car c'est du film, dont je fis un cadeau, que le poème est né, film auquel je t'ai convié et que tu aimes, alors merci beaucoup pour ta lecture ! | |
jacou |