Roche en tes Ardennes, tout dort désormais mort
Sauf la bibine en toc vendue au nom d'Arthur
La poésie se vend, car les vers remémorent
Quand ils sont bien frappés, pas écrits d'aventure

Gérard qui préférais te pendre à la lanterne
Tu versas dans la vie tout un arrière-monde
L'imaginaire est la plus vaste des citernes
Splendides créateurs sont ceux qui la refondent

Stéphane on voit à Sens un collège à ton nom
Mais que fait-on des vers que tu as infusés ?
Bernique ! C'est compliqué ta poésie, non ?
Ne savent-ils donc pas qu'un langage est fusée ?

Paul tu bois tout ton saoul par dégoût d'hypocrites
Lecteurs, parbleu, c'est la nef des fous, des aveugles
Qui lisant dans la boule en cristal croient écrites
Des lois, ils sont troupeaux de vaches qui tant meuglent

Ton aphasie Charles signa ta fin si triste
L'Olympe est trop étroit pour le dernier des Grecs
Tes tragiques pièces recueillies en fleuriste
Ça s'apprend au lycée avec la langue grecque

Tristan prends ton voilier et quitte ce pays
Si moutonnier pour l'heure où les romans foisonnent
Tes amours ont jaunies, tes belles sont haïes
Alors tailles-toi loin, où encor tu détonnes

Ce ne sont là que des poètes bien classiques
Mais ils engendrèrent l'écriture moderne
Bien des contemporains leur ont repris les tics
De langage et l'éthique du combat externe

Quand meurt un bois brisé sous les pluies et les cendres
Où vient laper le lait un chaton capricieux
À chaque tombe qu'un fossoyeur fait descendre
Pour chacun de nous dont le regard voit les cieux

Pour Lascaux où tout homme est né à l'art qui glose
Par l'aspect si frêle de vos vies nées d'un souffle
Parce que le poète est resté droit dans les lauzes
Tandis que d'infamie un peuple s'emmitoufle

Pour René Char qui fut un résistant en armes
Pour Paul Éluard ayant crié la liberté
Par l'héritage entier qu'ils recueillaient en larmes
La poésie vit et se propage sa beauté

(par ordre d'apparition du « surname dropping » : Arthur Rimbaud enterré à Roche, Gérard de Nerval pendu impasse de la Vieille-Lanterne, Stéphane Mallarmé qui fut professeur à Sens, Paul Verlaine mort alcoolique, Charles Baudelaire mort aphasique, Tristan Corbière mort tuberculeux : aucun n'a vécu vieux, pas plus que Paul Éluard du reste)