Sur les rides de l'âge a navigué mon vieux
Son radeau de fortune a conquis le Brésil
L'ancien rideau froissé où j'espérais, envieux
Trouver la conque qu'il aurait ramené d'îles
Mais il a désarmé le monde autour de lui
Vivant de ses charmes sa femme l'affolait
Moi j'étais soupe-au-lait quand il vint une nuit
M'enseigner un art que tous mes désirs frôlaient
Le vieux avait l'aura de ces hommes grisâtres
Avec l'air de ne pas toucher, passe-muraille
Aux foyers d'incendies où s'éteignent les âtres
Ma mère Laura avait son théâtre en rails
C'était à Manaos, au long de l'Amazone
L'oncle Werner tournait un film sur l'opéra
À flanc de montagne un théâtre allait sur zone
Et des soldats guidaient l'action, chassant les rats
Le père Antonin vint tonner de ses sermons
Imaginez un bateau de mille tonneaux
Hissé sur des rails à travers les plus hauts monts
Et vous aurez l'idée de tourments infernaux
La passion de mon jeune âge pour l'impossible
Trouver un bouquet de fleurs sur la cime en neiges...
J'ignorais l'edelweiss mais le ciné fait cible
De bel art lorsqu'un Werner lui fait un cortège
(D'après le film "Fitzcarraldo" de Werner Herzog. Le "père" Antonin est Antonin Artaud, poète et dramaturge qui m'a remué dès l'adolescence. Herzog et Artaud, deux artistes défiant la folie.)
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Evasion
Publié le 20/09/2020
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La beauté fulgurante de ses images, les scenarii, autant d'invitation au voyages sans retour, la vie singulière qu'il mena sans concession au nom de sa liberté créative font de Herzog, l'un des plus grands réalisateurs allemands de sa génération, il fut pour moi et d'autres , source d'enchantement et d'inspiration, les "Aguirre, Coeur de verre, Kaspar Hauser et...le plus polémiqué, le magnifique Nosferatu qui avec la musique de son groupe fétiche Popol Vuh atteint un sommet de poésie crépusculaire composent une symphonie incomparable, merci donc mille fois jacou pour ton merveilleux hommage( je reste hélas plus en retrait pour Antonin...). | |
Banniange |
Merci Banniange ! Je constate que tu aimes Werner Herzog avec passion, et comment ne pas s'enthousiasmer à ses créations dignes des grands romantiques allemands du 18ème et 18ème siècles, les Hölderlin, Novalis, ces géniaux esprits qui ont frayé des voies nouvelles, dans la nature découvrant des œuvres de sagesse intemporelles, dans l'inconscient des hommes qu'ils ont osé exprimer (l'amour destructeur pour Novalis, la politique qui devient folie pour Hölderlin), voies nouvelles pour expliquer et créer à destination des autres hommes ! Concernant Artaud, il faut avoir approché la folie dans sa jeunesse pour y être particulièrement sensible. Je comprends ta défiance à son égard, car la maîtrise de soi est une nécessité sociale, et l'art n'y coupe pas pour être compris et partagé. Bon dimanche ! |
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jacou |
Superbe texte Georges sur cet excellent film dont le tournage fut certainement le pire de toute l'histoire du cinéma. Outre les conditions particulières de l'Amazonie, la folie à son paroxysme de Klaus Kinski a rendu presque impossible la réalisation du film. Il y avait conjugués l'enfer vert et l'enfer Kinski. Je connais Manaus, ville très particulière, étouffante de moiteur, peuplée d'Indiens peu expressifs (et d'Indiennes très souriantes!) avec son Théâtre Amazonas en marbre du Portugal né de l'âge d'or du caoutchouc, avec ses quartiers sur pilotis (dangereux comme la forêt), dans le ciel ces Urubus (charognards dont les autochtones disent qu'il y en a un par habitant, plus précisément un qui plane au dessus de chaque habitant) et la rencontre du Solimoes et du rio Negro, l'un jaune marron, l'autre sombre qui coulent sans se mélanger sur des kilomètres. Tout autour, cette forêt magique, exubérante et bruissante de vie peuplée d'animaux, d'insectes à la taille insolente et parfois inquiétante. C'est un monde à part, un monde de folie, très bien rendue dans ce film, un monde effectivement ultime pour l'aventurier comme le dit la fin de ton excellent texte. |
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eliosir |
Merci Eliosir pour tes précisions sur le tournage de ce film fou par un fou avec des fous : une œuvre impossible, et qui pourtant existe, à la gloire de l'opéra, de la musique, et des exploits humains ! Dis donc, tu en as vu du pays, toi, grand voyageur ! Tu as raison, les voyages forment la jeunesse d'esprit ! Bon dimanche ! |
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jacou |
Tu as un art consommé de retraduire en mots les impressions que peuvent nous faire ressentir les images vues. Les portraits sont ciselés au fil des vers, nous donnant à percevoir aussi le caractère des personnages que furent Werner Herzog et Antonin Artaud. Des artistes qui défiaient la folie, d'où leur génie! Merci beaucoup pour ton écriture très parlante car très cinématographique. Avec ma toute vive amitié à toi :) |
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Matriochka |
Un univers où tout est intensité, ce qui me rappelle la lecture que j'avais dû faire, au cours de mes études, du "Théâtre et son double" d'Antonin Artaud, livre qui dissèque l'art de la scène comme le ferait un médecin-légiste du corps d'un pestiféré, car telle est bel et bien la référence employée par l'auteur. Vos mots sont écrits "au couteau", comme peignent certains artistes qui veulent donner chair à la couleur. On termine la lecture à bout de souffle, ce qui n'est pas étonnant, au regard de la personnalité des figures qui ont nourri votre plume. |
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Ombrefeuille |
Bonsoir, Moi, ce sera moins long que mes Amis .. :) Je ne découvre cela qu'au travers de vos Mots .. Mais cela m'amène à lire Ici : Une autre Manière de se perdre dans l'Impossible du Possible .. ce qui s'est donc produit puisque Film est né .. Eux, en plus, Ils ont eu cette Part de Folie .. Merci et bravo !! LyS .. |
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Lys-Clea |
Matriochka, Ombrefeuille, Claire : je vous adresse un remerciement profond. Revenez vite dans ces parages : ici j'étouffe lol mdr ! | |
jacou |
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