Blanche de froid, la peur des freux !
Me font songer leurs cris affreux…
Dans ce vent froid d'hiver stérile
Il va neiger sur les terrils…
Branches, forêts, je m'y accroche
Perdu je vais jusqu'à des roches
Souvenir de Fontainebleau
Où je rêvais d'un tel tableau
Que celui de Mortefontaine
Peint par Corot, à flore humaine
Qui ne me quitte, en la semaine
Comme est beauté, point trop lointaine.
Le cri aigu d'une corneille
Grinçant, éraille en mon oreille
Le bruit du temps, notre séjour
Sonnant tocsin de tous les jours
Dont le sang sourd dessous nos veines
Et nous inscrit dans la neuvaine
Où ma prière est lors de vivre
Et de boire au goulot, d'être ivre
Car la vie est un doux trésor
Quête d'un soir qu'un ciel essore
Vers les hautes constellations
Sur nos têtes feux des nations
De l'espace en quoi tout attend
Que nous quittions la Terre, entends
Le chant muet des galaxies
Aux temps où Jésus fût occis !
Mais me revient ce cri d'oiseau
Alors que je vais sur l'Oise, au
Lieu d'Argenteuil, où je suis sis
Vieillissant tel un assis…
Veilleur de l'aube et mon sommeil
Ne me dérobe à la merveille
Mais ce freux qui est un corbeau
Rappelle un Poe, dont les vers beaux
Adolescent, qui m'inspirèrent…
La poésie, depuis, espère
En moi, jeter une telle ancre
Mais j'écoule parfois de l'encre
Au désespoir de mes efforts
De me connaître des plus forts
Pour la fée qui est pour sa fête
L'estafette de ma défaite
Je suis lutin du bois profond
Et sans elle je perds au fond
Le sens des mots couplés aux sons
Je redeviens poupée de son.
Alors je forme un dernier vœu
Lisez en moi dans mes aveux
La mémoire de mes émois
Tissés linceul de mon seul moi
Fanées pensées face à sa mort,
Tandis que le corbeau dévore
Mes yeux qui sont ses "dés à coudre" *
Que je meurs dans un frisson, poudre
Qu'argile on nomme, et ma poussière
Rejoindra tant d'aïeux d'hier !
*souvenir de "La Ballade des pendus" de François Villon.
"Souvenir de Mortefontaine" de Camille Corot :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d5/Souvenir_de_Mortefontaine_%28Camille_Corot%29.jpg
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Arts
Publié le 29/10/2021
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La dernière strophe est à tomber ! Mais tout le poème est d'une musicalité qui emporte hypnotique le lecteur |
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Edelphe |
Un poème vraiment prenant, d'une réelle intensité renforcée par l'usage de vers courts. Il y a tant des émois et errements d'une âme humaine exprimés, d'une quête intime aussi d'un absolu qui semble se dérober sans cesse, le cri d'un oiseau résonnant comme une alarme. La peinture de Camille Corot illustre à merveille tes mots, j'aime beaucoup l'ambiance en clair-obscur de ce tableau qui confère une lumière particulière à la scène représentée. Merci beaucoup à toi pour ce partage dont émane une grande puissance, qui m'a subjuguée. Avec ma vive amitié pour toi :) |
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Matriochka |
J'ai cliqué sur le lien et j'ai fait "Oh !" tellement le tableau m'a émerveillée :) J'ai lu votre poème avec dans la tête cette image de l'oeuvre de Corot, et vos mots ont pris une résonance pleine de cette brume des forêts et de cette sourde frayeur des sentiers tortueux où le pas hésite et où les Muses attendent le poète ... Et assurément vous n'avez pas raté le rendez-vous, vos mots portraiturant un univers tant intime que puisé à l'universel de la quête de sens. Votre poème touche au sublime et il va trouver sans peine une place bien à lui dans mon coffre aux trésors :) |
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Ombrefeuille |
Un très bon texte georges | |
CRO-MAGNON |
Magnifique ! Ce tableau t'inspire décidement de très beau texte !!! |
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Lucyline |
Edelphe, merci de vos mots, mille fois ! | |
jacou |
Matriochka, merci à toi. Le corbeau de Villon ("Plus becquetés que dé à coudre" de sa "Ballade des pendus") comme celui sonore de Poe dans son "Nevermore", voire visuellement la toile ultime de Van Gogh...et la "corneille" qui "criaille" dans le "Bleu adorable" du poème de Hölderlin, me hantent aux voisinages de la poésie. Avec ma grande amitié :) |
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jacou |
Ombrefeuille, mes respects pour vous je les exprime car ce mot de "sublime" pour ce poème hanté et enté en moi en racines sensitives profondes me touche profondément ici. Merci de votre commentaire qui est si beau d'être surprise à merveille par la beauté d'un Corot qui est mon tableau préféré de tous les tableaux peints dans tous les temps. S'émerveiller je ne peux m'en lasser, jamais ! Plaisir pour vous en pensée... | |
jacou |
Olivier, je te remercie tu es l'ami qui vient dire le mot qu'il faut. | |
jacou |
Lucyline, je te remercie profondément, et je pense qu'en moi j'associe aussi le "Mortefontaine" de Corot au "Fontainebleau" de ma vie en forêt que j'évoque dans un poème suivant en lien avec celui-ci de ce jour... Il y a dans moi un effet de téléscopage sans doute où mon admiration pour tout l'œuvre de Corot, née à partir de ses vues de Rome aux perspectives ocres et pierreuses jusqu'à ses pèlerinages avec les peintres de Barbizon, rejoint dans mon for le "Souvenir" de mon enfance en forêt à Fontainebleau et sa magnifique forêt avec sa mer de sable et ses roches... Fontaine de jouvence où l'enfance de l'art ? | |
jacou |
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