Ta main laisserait ruisseler, entre les phalanges ordonnançant un monde d'argile et de glaise, cette eau limpide et pure qui s'échappait comme en cadence tes pensées trempées d'espérances, tu y goûterais l'enfance renouvelée se proposant ici dans la surface d'un pré où tu déposas un instant le fardeau de vivre.

Tes doigts tâtonneront à la recherche du contact avec la terre ancestrale, où morsures et râles ont gravé dans la pierre le passage des hommes, pour la danse d'une vie, par le fracas des heures évidées, pour des aubes nacrées en d'hivernales étoffes. Quand tu toucheras l'herbe du pré, parmi des couleurs reposoirs d'un œil que les chenilles processionnelles captivent, tu mettras en harmonie des choses réelles, participant d'un ordre qui est dévoilement du monde à l'esprit.

L'univers est accueillant mais ta présence n'y était pas requise, aussi tu devras poser des jalons afin de borner cette immensité dénuée de sens, ces « espaces infinis » dont s'effraie la tête lucide, qui fera ton dénuement rapide et de ton âme un trésor désolé dans une amoureuse mémoire, pour les heures des nostalgies d'anges gracieux circulant dans l'étendue de ciels des chambres peintes, où les compositions renaissantes ont dessiné le divin sous des atours qui toujours séduisent mais jamais ne convaincront notre tristesse humaine adonnée au « bleu adorable » des ciels pommelés, hauts comme trois pommiers, futaies fermant le pré ; là coulant un ruisseau qui est puits de ton âme, Narcisse aux reflets argentés de chevelure. Par souvenirs d'un roi bavarois fou de châteaux s'aiguise encore en toi le sens de la beauté. Tu rentreras confiant poursuivre ton fiévreux travail d'orfèvre, compositeur d'apostrophes et de codicilles à la Création, tentures et dorures agençant ton for intérieur pour ta vie qui dure heureuse et rude.