Fauves feuilles bruissant dans la forêt profonde
Le héros attiré s'enfonce au creux des arbres
Il a quitté la cour et les us qui la fondent
Comme avoir blessure en son âme, et corps de marbre
Galaad a frémi par deux fois d'entrevoir
L'avide et vivace vouivre toujours vorace
L'abri des bois brisé par la bête, et savoir
Le monstre proche... ô son coeur bat sous sa cuirasse !
*
Lancelot chevalier lance au ciel un autour
Tutoyant le soleil ondoyant les collines
Il est de Galaad le père, et tourne autour
De lui la souveraine à la peau d'opaline
Suivant des yeux le grand faucon qui prend essor
Il tremble d'émotion pour ce roi britannique
Qui l'a élu, lauré, lui a jeté un sort
Comme fée des forêts fait son art fantastique
*
Gauvain son ennemi observe cette scène
Il sait tous les secrets qu'un sorcier lui consacre
Les yeux fous, la bouche hâve, un tourment obscène
L'incline à désirer Guenièvre, saveur âcre...
Le chasseur en lui-même est, pour sa proie rapide
Un joueur invétéré, escomptant des secondes
Les bonheurs d'un instant, il fait de son coeur vide
Tambour temporisant la tristesse du monde
*
Perceval a prévu cette si longue absence
Et le harnachement qu'il met à son cheval
Il l'a pensé depuis le temps de sa naissance
Quitter enfin la cour, chevaucher outre val
Il fut l'enfant pleurant l'avant qui vous enseigne
Toute fleur d'ancolie vêt sa saison d'automne
Sa vie l'évidait, vil et vif voleur d'enseignes
Des blasons qu'aux tournois il guignait, il s'étonne
*
Arthur est soucieux, car cette quête du Graal
Entêtée, attestant des chevaliers la fièvre
D'obtenir le sommet, la jouvence intégrale
Par l'homme sur la croix dont on perça la plèvre...
Cette quête insensée obscurcit ses vieux jours
Arrachant du roc l'épée Excalibur, ombre
Dans sa mémoire aussi, ce dragon en séjour
Dont il débarrassait la contrée, qu'elle encombre...
*
Merlin d'un mélomane a l'esprit enchanteur
Un choeur en sa prison sont toutes fioles folles
Tout a son prix, remède ou serment des menteurs
Nul sentiment, mais des sarments ou des folioles !
Toute herbe est bonne à prendre, et, respirant tout air
Ayant foré trophées dans l'offre forestière
Il rapporte la plante en remerciant la terre
D'être, avant que vers nous mangent, là toute entière !
*
Le royaume a frémi, hormis la Table Ronde
Qu'on dit taillée d'un roc par un divin sculpteur
C'est qu'auprès du lac, Viviane, belle Dame
A quitté ses atours, nageant avec lenteur
Elle, dont mainte pierre a poli la peau blanche
Qu'elle soit améthyste, rubis, émeraude
Est reine du plus grand domaine, issu des hanches
Cet Amour qui en des senteurs aux lointains rôde...
*
Tristan sorti du bois, il quitte la Lyonesse
Un pays inquiétant s'étend aux bords du monde
Qu'il lui faudra franchir, et pour qu'Yseult renaisse
Et pour qu'hiver cesse, ramant sa nef sur l'onde
Or, Camelot attend le chevalier le meilleur
D'un duel où Lancelot est forcé de paraître
Ces deux guêpes armées de dards font des frayeurs
Aux dames pour qui ces hommes sont de beaux êtres
*
Lohengrin regrette que Perceval son père
Quitte une fête qui n'a de fin, le royaume
Attirant de partout des âmes sans repères
Pour l'heure il est valide au tournoi sous son heaume
Puis il disparaîtra dans la grotte des cygnes
Ces créatures signant des dieux quelques preuves
Glissant en silence sur un lac où l'assigne
L'estuaire où vient à mourir chacun des fleuves
*
Mordred mord l'édredon de sa dernière passe
Bouscule la femme partageant ses délices
Pauvre putain brunie dont le derrière passe
Pour légende en ces lieux où il fait la police !
Mordred l'immortel, rusé, frustré, et si rustre
Qu'il fût banni de Table après des heurts divers
Rien ne lui sert, il cherche à vaincre, après des lustres
Ce roi trop fier dont les rides signent l'hiver...
*
Morgane est fée que la forêt désillusionne
Elle se fait l'effet d'être femme si folle
Que si ses charmes doux par frêle hasard fonctionnent
C'est qu'elle a su contrer Viviane en des paroles
Elle est jeune fille, que ses parents très tristes
Ont abandonné lors que les loups, en tueurs
Dévorants n'ayant pu, affamés sous les cistes
Terminer leur repas, elle vécut malheurs...
*
Le paysage est vieux qui court dans les mémoires
Pays sage où l'envieux à la Cour s'apprivoise
La Terre Gaste accueille, aux reflets de ses moires
Un peuple en repos qui boit nectars et cervoises
Paysans moissonnant les blés, bête à l'étable
Tout fredonne en accords majeurs le bonheur d'être
Depuis qu'Arthur a pris les rennes de sa Table
Un beau livre d'heures orne d'ors ses fenêtres
Le dragon que jadis l'on enviait pour ses flammes
Est mort, et les elfes et les gobelins craignent
À la tombée du jour, des chevaliers les lames
Les soirées sont fraîches dans le souverain règne
Tel homme rentre auprès de sa femme à plus d'heures
Souffle entre ses doigts pour que le feu se reprenne
Ils feront leur amour, sans remords sans erreurs
Car le roi a promis à chaque enfant l'étrenne
Puis, vers les bois s'enfuit loin des chasseurs la biche
Un arbre sombre a tronc que le hibou habite
Des témoins pour l'homme que toute terre est friche
Ne l'accueillant qu'un jour où sa vie passe vite
Mais, les chevaliers vont à l'assaut de leur Quête
Le Graal est légendaire, en chaque homme étincelle
La promesse oubliée qui jamais ne l'inquiète
Sa Mort, nul élixir Celle-là n'ensorcelle
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Arts
Publié le 23/02/2020
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Un poème écrit dans le souffle des trouvères d'Armoric et enrichi de ces allitérations et assonances dont votre plume est friande et nos yeux itou, lecteurs emportés dans le grand élan de ce mythe fondateur où se croisent les emprunts à la Passion du Christ et ceux qui viennent des origines lointaines, dites "païennes", des terres celtes. Les mythes fondateurs sont intemporels, et votre poésie, qui sait si bien en saisir la substantifique moelle, l'est également. |
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Ombrefeuille |
Très belle interprétation de ce mythe occidental, que vous revisitez avec une riche inspiration et beaucoup de détails. A l'époque où je m'étais passionnée pour le Moyen-Age, j'ai été captivée par la légende du Roi Arthur, des Chevalier de la Table Ronde, de la quête du Graal, et j'ai lu quelques bouquins sur le sujet, entre études historiques et hypothèses complètement farfelues. Puis la vie m'a entraînée vers d'autres sujets... Aussi suis-je heureuse de retrouver le roi mythique et ses fiers chevaliers ici, et afin d'aller les visiter de temps à autres, je capte ce poème pour le mettre en mes favoris. Grand merci vous en soit donné, Messire Jacou, pour ce voyage historique aux accents mythologiques :) Avec toute mon amitié |
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Matriochka |
Quelle force fantastique ce poème ! La belle légende a pris complètement corps dans les mots ... C'est un plaisir immense de redécouvrir les héros de l'histoire avec ce qui caractérise chacun d'entre eux... Merci Georges pour cette invitation ou évasion est assurée...un favori ! |
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Yuba |
Quel écriture titanesque ! Et chevaleresque surtout, merci pour cette évasion auprès des chercheurs de Graal, j'ai adoré. Bonne soirée Georges ! | |
Ombellune |
Je me suis régalée à la lecture de ce magnifique texte qui retrace bien la légende du Roi Arthur. Je la connaissais un peu car le l'avais étudiée avec mes enfants pour le collège mais cela remonte à a peu près 20 ans.je me suis plongée dans la lecture de ce texte et ai découvert plus amplement ce mythe et j''ai adoré ! Merci Georges pour ce magnifique cadeau. A lire et relire sans modération et à partager. On se lasse pas de votre plume. Je le place dans mes favoris. Belle soirée à vous. | |
angeleyes |
Un récit épique et titanesque... écrit avec un vocabulaire riche (et d'époque ?)... que de mots que je n'avais pas vu depuis longtemps et peut-être ou deux que je ne connaissais pas mais dont le sens fût évident... En tout cas merci pour ce partage. |
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Dafide |
Bonsoir, Je baisse ici - bas mon Epée devant un tel Récit captivant , Sire Jacou ! Votre plume est inégalable en ce Style qui vous sied à Merveilles ! Lys-Clea |
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Lys-Clea |
Ombrefeuille, Matriochka, Assia, Marine, Angeleyes, Dafide, Lys-Clea : merci Mesdames et Monsieur pour vos messages, je constate que les amateurs de légendes à contenu historique, car Arthur a réellement existé et vécut au 5ème siècle en Angleterre (la Bretagne d'alors, avant qu'elle fût Grande et se dédoubla en France par reflux romain abandonnant l'île britannique), que ces amateurs sont ici vifs, communicatifs, portés vers les échanges, curieux ! Vous êtes des amis poètes que je lis avec ferveur ! Merci aussi pour les favoris qui, toujours, me touchent. Bonne semaine à vous tous, amis ! | |
jacou |
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