En ces jours incertains où il convient de vivre
Des Esseintes s'isole et rêve à des idoles
Il a fait de sa vie un fiasco, les étrives
Du Temps ne l'enserreront plus longtemps, parole !

L'art est dépassé, la poésie se meurt : quoi faire ?
En d'autres temps, il se fut fait coiffeur, c'est dit !
Laissons la vie aux serviteurs, sur cette Terre
Comme disait Villiers, il a raison, pardi !

Mal armé pour paraître attendre le futur
Beau, de l'air chlorosé qu'outrent les spleenétiques
Sachant que le travail est le nom de : torture !
Il fait société à l'écart, bourré de tics

Mais il sublime tout par l'harmonie des angles
D'orgue à liqueurs, de tortue pavoisée, des dieux
Que Moreau dessina avant qu'on ne l'étrangle !
Tant cette fin de siècle a un visage odieux

Redon est rédempteur du pastel en couleurs
Ô que de fleurs insues, que de faces radieuses !
Pour mieux parachever l'usage des douleurs
Combien la drogue attise les tumeurs nerveuses !

Tison de gloire, or, tempête et tête d'ivoire
Joyeux galimatias des pierreries splendides :
Chrysoprase, améthyste, émeraude, et qu'y voir ?
Parmi toutes pierres le marbre est la plus vide !

Luxe inouï, tu perds à l'usage qui te somme !
Pauvres millionnaires nantis de trop d'affaires !
À Fontenay, là-bas, en rade, il fait un somme :
Des Esseintes, espére, enfin, la fin de la Terre !

d'après "À rebours", roman de Joris-Karl Huysmans publié en 1884