Je vous entends
là-bas
vous déverser
doucereuses
apaisées,
tellement bienfaisantes à l' âme
sur les toits de tuiles savamment disposées
sur les toits d'ardoises colorées, parures châtelaines
sur les toits dorés à l'incandescence furtive,tiédie
de l'onde intruse ,drapée entièrement de flocons
sur les toits de dalles, bardés de para-tonnerre
sur les toits riches de riches

Vous devez certainement vous y plaire
à batifoler gaiement
à vous écouler poliment ,disciplinées
dans les fossés à vous aménager
pour achever votre course joyeuse
dans leurs bassins ornementaux,
dans les patios aux sculptures envoûtantes

Je vous entends
ici
vous déchaîner
rageuses
grondantes
forcenées
tellement effrayantes, éprouvantes pour l'âme
sur les toits de chaumes éparpillées, suintants jusque dans les couches
sur les toits de tôles rouillées, rafistolées, goudronnées
sur les toits de cartons plastifiés à la misère criarde du ghetto
sur les toits bidons de crève-la-faim

Vous devez certainement être là en campagne
alliées au vent destructeur,à la foudre et à l'éclair
à creuser comme vous le faites, des tranchées profondes à enjamber
à éroder irrémédiablement sous les flots de votre puissance
les sillons déjà minces de la pitance quotidienne
à coucher les bananiers, et inonder les rizières
surcroît de travail pour le muscle qui se bande
pour achever votre irrésistible cavalcade boueuse
dans la rivière d'à côté pour la boisson de tous les jours
d'hommes, de femmes, d'enfants, d'animaux
qui n'attendaient que vous
pour rythmer leur vie

(guyzo)