Bélître, mon PC, il fumait du dedans.
C'était tard dans la nuit donc il faisait tout noir.
Y'avait juste un mesquin faiseau lunaire au ras du mur qui ondulait à chaque expiration.
Je venais d'écraser un dragon d'afghan pur alors tout ce bordel m'a paru bien normal.
J'avais le son à fond dans mon casque VR alors le GPU pouvait bien gueuler fort, s'affoler dans sa quête de souffle perdu, j'étais carrément plus en mesure de rien.
En fait, c'est à l'odeur que j'ai enfin tilté.
L'odeur, je me suis dit, là ça craint pour de bon.
Le composant grillé ça n'a rien de plaisant et ça se reconnait parmi toutes senteurs.
Le truc, arôme chaud d'électrique teneur, t'avertit sans défaut du danger imminent.
En sortant de mon lit j'ai arraché des fils, dans la panique aussi j'ai marché sur la lean qui trainait à côté de la table de nuit. Mon téléphone est tombé sur l'angle fragile et s'est fissuré comme un miroir sur le coup. J'ai trébuché sur un manga au pas suivant et envoyé valser toute la Zubrowka.
Le PC était là, qui fumait comme un con et je restai planté à genoux devant lui. J'écoutai ses huit cœurs grésiller dans l'aigu, pizzicato nerveux de cordes surtendues, et je toussai un peu.
J'ai ouvert le bordel en arrachant les vis pour accéder direct à la bête blessée. L'écran central en veille a lancé un signal et m'a fait sursauter avec son bleu roi nul.
Lui, il osait vraiment la jouer concerné alors qu'il pionçait fort quand fallait m'avertir...il a pris son taquet, comme il faut, plein milieu de la dalle à 800 balles au moins.
Rossinante miaulait et grattait à la porte. Il voulait lui aussi assister au merdier. Il était pas dernier, ce chien de chat vicieux, pour se foutre de moi quand ça partait en live. Mais en vrai j'avais peur que ces fumées pourries lui abiment ses tout petits poumons alors je l'ai enfermé dans le salon au premier et j'ai mis du Verdi pour pas qu'il s'ennuie trop.
Revenu au PC, Belître, bien nommé, ce détestable ami qui jamais fait faux-bond, s'était tu pour de bon.
J'ai pas pu m'empêcher de l'enlacer très fort. C'était chaud, ça faisait comme un feu de détresse. Y'avait dedans un tas de trucs très importants mais moi c'est pour ses cœurs que j'avais de la peine.
La lumière au plafond de l'alarme incendie clignotait sans arrêt, parée au hurlement.
Le pire dans tout ça, c'est qu'en ouvrant Belître, j'ai brisé sa mémoire et fissuré son disque. Y'a plus rien à sauver. Pas un seul des octets de la vie de Belître. Y'a juste un peu l'odeur qui peine à s'en aller. Et les pizzicatos qui sont jamais très loin. Quand je ferme yeux. Je les perçois souvent.
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Drôle et triste, un mélange que j'ai aimé de bon matin, cette amertume tranquille. Si j'analyse ce texte, la fin me paraît majestueuse : l'Homme a encore le dessus sur la machine et il peut la tuer, même si elle lui semble sentimentale. Bravo pour tes mots qui ricochent très fort !! |
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Comete |
Et Rossinante on l'adooooore. | |
Comete |
Tout votre texte, Zooey, est constitué d'alexandrins mis bout à bout. Vous l'avez fait exprès ? |
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Bella de Vnirfou |
Merci beaucoup Comète. Rossinante est pas très gentil mais il est adorable. Bella, oui c'est fait exprès. Enfin, j'avoue ne pas m'être trop embêté à compter mais quand je suis lancé sur ce rythme je peux plus m'arrêter. |
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Zooey |
Un effondrement implacable de dominos pour un chaos jubilatoire ! Cette série de destructions est jouissive ! En favori tout de suite :) |
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scyles |
J'adore, j'adore et j'adore ton style Zooey. J'adore et puis...j'adore . Je suis vraiment fane de ton style ! La raison c'est que... tu es capable de nous captiver sur des sujets, finalement assez vulgaires ( Sens premier du terme ) Toi:Tu débarques et tu nous racontes un truc qu'on vit tous régulièrement mais voilà...toi, tu as ce truc en plus qui fait que ce qui pourrait être banal devient extraordinaire. Alors...Bravo ! Clap,clap,clap ! |
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Charlie |
Merci beaucoup à vous deux :) | |
Zooey |
J'aime ce poème qui en fait pourrait être triste mais qui devient par votre imagination d'une drôlerie extraordinaire. | |
roserose |
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