Enfant, j'aimais bien randonner avec mon grand-père
Sur des sentiers montagneux, mes jambes se renforçaient
Paysage d'alpages, royaume de conifères
Aux effluves humides qu'exaltait la forêt

Nous l'atteignons bientôt, cette croix sommitale
J'accélère le rythme et me hâte plus avant
Mon aïeul m'apostrophe, le jour dominical
Est parmi les jours où, doit être prit le temps

Au détour du chemin, s'ouvre enfin l'horizon
Le ciel azuré, le premier, nous accueille
Mon être s'amplifie, une divine impression
Quand je touche la croix et enfin me recueille

Les randonneurs affluent, l'esplanade se remplie
Chaque visage semble alors radieux et souriant
Mon grand-père m'interpelle, il est déjà midi
« Reprends tes forces et mange, mon cher enfant »

Une fois rassasié, je sens le magnétisme
De ce parapet de fer surplombant la falaise
Comme un automate, qui sans aucun cynisme
Accepte de son maitre ses mille et unes fadaises

Je m'accote et me penche vers le vide absolu
Et le monde se résume à cet immense gouffre
Et mon esprit s'embrase, ma raison diminue
Ma réalité brûle dans une odeur de souffre

Les planètes défilent à une allure soudaine
Les siècles se déversent dans une course folle
J'observe en arbitre, le temps qui se démène
Et mon cœur se marque d'un sceau de vitriol

Les humains apparaissent comme des fourmis loquaces
Qui se bercent de contes et détournent les yeux
De la mort triomphante, cette reine de glace
Qui crispe à jamais les sourires des amoureux

Et ce jour-là je crois, que mon âme s'est muée
Sillonnée je le crains, de sa première ride
La croix du Nivolet m'avait prédestiné
À revêtir la robe des apôtres du vide