J'ai souvenir de ces bottes trainantes sur le macadam usé d'une
vieille route de campagne ;
De sa musette grise
Où sa seule richesse, son seul bonheur "fruit des vignes"
L'emportait loin de cette terre de misère
Vers des paradis lointains, éphèmères.

J'ai souvenir de ce corps sur le gavier avachi
Qui tel Cerbére endormi,
Bloquait parfois l'entrée d'une pauvre guérite de simples
pierres ;
De ces mots inscrits dans ma mémoire :
"Ramassage scolaire"

J'ai souvenir d'un visage cramoisi,
D'une mêche noire, d'un bérêt sombre.
De l'odeur âcre de l'urine :
De cette puanteur tranchant avec le froid frimas de l'hiver
De cette carcasse informe qui autrefois,
Sûrement,
Fût un homme.

D'un foyer acceuillant à la vinâsse tiède
Il n'y a parfois qu'une emjambée, une route à franchir.
Mes parents n'empruntérent pas de carosse,
Firent un simple pas et :
De "semblable à Dieu" j'endossai en seconde noces
le "Servir" de l'ancienne Rome.

Mais la vie est ainsi faîtes
Signe de détresse et d'infortune : haï souvent et tût toujours
Les détestables prénoms parfois se vengent
Etrangement, viennent à la vie, ressuscitent
En pleine lumière et nous servent;

Nous rappellent :
Que Servants ou Divins,
Gueux ou soulards, Tristes ou Heureux
Pauvres ou Riches, Cultivés ou Ignards
Nous sommes toujours plus petits que l'un
Avons toujours besoin d'un moins grand que nous.