Après nous, nous voudrions qu'il reste quelque chose. Une part infime de nos mémoires, une dernière leçon, un mot d'ordre, de la matière en somme.
Mais au fond, ou est notre réelle importance, sommes nous meilleurs, dans l'autre vie, car encensés par ceux qui nous réclament, ou alors, sommes nous simplement si petits, que l'on se voudrait plus grand.
Sur cette planète, j'ai vingt ans, vingt printemps, vingt bougies, vingt Noël, Nouvel An… Ce que vous préférerez.
Je n'ai pas la prétention de vous raconter la vie, en faisant croire à des projets, auxquels je ne crois pas.
La seule chose que je peux faire, la seule chose véritable, est de raconter mon mode de vie.
J'habite dans un studio, au deuxième étage d'un bâtiment B, réincarnation du bâtiment A, précédent le Bâtiment C à la porte Seize. De tout le contenu de la pièce à vivre, ne retenez que les livres, en désordre sur l'étagère, et les photos, au fond de ces placards muraux, que l'on veut pratiques, poussant ainsi les murs.
J'habite dans une petite ville de la haute Savoie, depuis mon balcon je vois ce qu'on appelle « La chaîne des Aravis », chaîne de montagne dont le sommet s'appelle le pic des quatre têtes.
J'ai un chat, son nom est Babylone, je l'ai eu à l'époque où le reggae et le contre rythme, rythmait ma course sur Lyon, ville où je suis né et ai grandi.
C'est un gros chat, paresseux dormeur assiégeant le lit, comme on garde son trophée. Il me regarde de ses yeux de panthère, et j'aime à croire bien souvent, qu'il peut me comprendre.
De ma stature physique vous ne saurez pas grand-chose, j'ai les cheveux sombres, un regard de même, de grandes mains qui s'agitent à la plume du soir, que je voudrais mienne même si elle m'échappe bien souvent.
Je ne suis pas venu à l'écriture par les grands auteurs, j'y suis venu par la musique, à cause de ces personnes que l'on appelait Brel, Renaud, Ferré qui ont remué les tripes de ma grande carcasse.
Il est étonnant de voir à quel point quelques phrases peuvent nous transpercer, comme l'écrivit Brel :
« L' homme est son propre Dieu, et un jour, il le saura. »
Certains penseurs, s'agitent et nous rongent, au-delà des époques et des générations, au delà d'une phrase, j'y vois des maximes, au delà d'une personne, j'y vois l'Eternel, et au delà de la vie, je n'y vois plus rien.
Je n'y vois que l'humain, qui cherche une raison se basant sur son existence, qu'il sait hasardeuse, qu'il sait à la fois probable mais aussi basée sur la rencontre de deux personnes, qui engendrèrent en imprégnant une pensée, un mode de vie, une réflexion, des valeurs morales, qui leurs étaient propres.
Aurais-je été différent, ne naissant pas de mes deux parents mais de deux autres ? Aurais-je eu un autre caractère ? Aurais-je eu l'amour du livre, l'amour de la chanson, ou l'amour du prochain ?
Aurais-je été meilleur ? Aurais-je été patient ? Autant de questions qui n'ont pas lieu d'être car sans but précis, et sans conséquences.
La valeur morale, est propre à chacun, si pendant l'enfance, on s'applique à ressembler à ses parents, il est de notre devoir de se forger de nos mains, pour ne pas être clone d'une civilisation qui se veut clone de la précédente. Avec admiration, je regarde ces hommes qui voulurent changer le monde, qui allèrent à contre courant, en écrivant anonymes, les pensées d'un peuple qui n'osait pas, ou ne pouvait plus espérer qu'une voix se lève, au passage de ces grands, qui dirigent le monde, comme des PDG, se gavant de profits, de flux compensatoires, d'escroqueries assurées, ou de phrases indolores. Tels des placébos, ils s'agitent derrière des costumes taillés dans la mesure, à donner unité et prestige, des autorités compétentes.
J'aime à croire que je ne suis rien, que le type que je croise n'est rien non plus, mais que deux petits riens forment un tout. Je n'aime pas le linéaire, les bases solides, la voie facile, et indolore, je n'aime pas le système basé sur le calcul, je préfère le hasard de quelques rues, ou les gens du commun ne se rencontrent pas.
Dans des bars de fortune, dans ma ville natale, au travers de ces rues, que j'ai souvent arpentées, j'aime voir le chalant, la fille de comptoir, le serveur enhardi, par la foule amusée, dont la pensée n'apporte peut être rien de grand, mais dont la pensée est vraie.
Je m'assieds à une table en début de soirée, c'est cela ma vie, j'aime voir l'humain, je veux comprendre sa décadence, pour appréhender sa grandeur. Je commanderai pour l'instant une grande tasse de café fort, avec un verre d'eau, la nuit sera longue, il n'est que cinq heures, les clients ne sont pas encore arrivés.
A dix neuf heures précises, c'est le bal des habitués qui commence, les premiers groupes arrivent, premiers regards de comptoirs, on se regarde en chats, ne voulant pas vraiment savoir qui est dans la salle, mais qui est nouveau dans ce domaine que le croyait sien.
Trois tequilas plus tard, on sort les jeux de cartes, on joue à la coinche, à la bataille, au poker, encore d'autres jeux, dont le principe est le gain, si ce n'est pas monétaire, c'est d'estime propre.
Vingt heures. La salle commence à se bonder dangereusement, les premiers cris fusent, on commande les premiers mètres, de bière de vodka, de gin, de n'importe quoi, nous ne sommes pas là pour faire semblant. A vingt et une heure, premiers troubles de fatigue, les bons enfants sortent, ils vont faire un tour, un peu plus loin au calme, avant de revenir plus tard, s'assurer que la foule finira bien en miettes.
Je suis là au café, je regarde ce monde, que j'ai connu mais qui ne me reconnait plus, certaines anciennes têtes, qui m'avaient oublier, me regardent du coin de l'œil, sans me souvenir.
A minuit, les minutes s'affolent, les filles dansent, quand les garçons les guettent, au rythme d'une nouvelle scène, qui se veut réciproque, on se veut rentre dedans, pour enfin s'amuser.
Finies les barrières, que l'on place en nos vies, ces « Bonjour Madame », ces réponses de faïence, enfin là on est vrai dans notre course ultime, on se veut animaux, ce n'est que pour se plaire.
A trois heures du matin, le petit monde s'écroule, au rebord de ces tables, inondées d'alcool, les jeux de cartes sont rangés, et les corps se rhabillent, le bistrot va fermer, on se fait mettre dehors.
Assis devant la porte, je scrute ce monde, qui dans le réconfort, d'une brise matinale, se réveille les sens en quittant la chaleur, pour une claque du froid, qui remue les cerveaux.
Certains roulent un peu, de ces mains tremblantes, ces rouleaux d'OCB qui défilent à la main, on allume les briquets, on se fait des cartons, on se fume la planète, pour une dernière lueur.
Extralucides, on voudrait mais on ne l'est pas, simplement des humains, qui se regardent du coin de l'œil, qui s'appliquent à détruire, la société du jour, pour qu'enfin à la nuit notre décadence ne soit pas vaine.
Certains dorment sur le rebord d'une porte, et puis d'autres s'embrassent, ils sont tellement beaux, je referme le manteau, car maintenant j'ai froid, et m'enfuis de la rue, je navigue en ma ville.
Il est cinq heures maintenant, même le turc est fermé, je suis las sur les quais je voudrais dormir, quand je m'approche alors, au détours d'un pont, d'un son de djembé, que je n'avais entendu.
Les packs de bières, sont alignés au sol, alors que les guitares, sont sorties des étuis, y en a des belles qui dansent, y en a des beaux qui picolent, mal rasés, comme pour dire « J'emmerde la vie ! »
Je reste là un moment, je contemple du sommet du pont, il y a le breton qui m'avait pas reconnu, qui comme à chaque fois qu'il a du gramme au sang, ressort son bignou, en parlant à ce fleuve.
Et des phrases candides, je n'en comprends pas le sens, sort enfin de sa bouche, et dans un dernier crachas, il gueulera
« Mort aux cons ! Au commun des passants ! Moi je chante la vie, même si je suis en rade ! »
Je repars amusé, de ces paroles surfaites, qu'il avait rodées, au fil des années, il a pas changé notre breton national !
Je continue mon chemin j'arrive à Perrache, au déstockage militaire, au coin de la gare, que je connais si bien, car j'y passe et repasse, je monte l'escalator, les portes sont fermées.
Je vais attendre là, que l'aurore se lève, boire un grand café, puis aller me coucher, je suis revenu hanter l'hydromel, rien n'a changé dans mes vieux quartiers….
Écrit par Noctendiurne
Et si je peux oublier, verbe, et si je peux, et sans paroles,
Te dire des choses, même les mêmes, Sans de l'emblême, être l'aumone. Gregor Perret http://gregorperret.blogspot.com/ Catégorie : Amitié
Publié le 23/05/2009
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