Tu m'as regardé de tes yeux d'interminable horizon
Tu m'as regardé à travers les souvenirs
Tu m'as regardé jusque dans ton âme
Jusque dans ta douleur
Tu m'as regardé de tes yeux éthérés de tes yeux sans nuage
Tu m'as regardé jusqu'au frisson de l'aube inachevée
Jusqu'au trait de lumière égarée
Et malgré le rideau à la fenêtre et le jour effacé et l'écharpe du temps
Tu m'as regardé comme au premier chant de l'être
Sans honte et sans remord sans la brisure de l'homme
Comme on offre à soi-même une dernière faveur un premier soupir
La beauté de n'avoir aucun geste aucun balbutiement
Aucun mouvement surpris du bras ni la main qui s'élève
Mais la relâche seule de l'épaule
Comme au petit matin le corps dans la chaleur des draps qui s'apaise
Comme au bout d'un tendre sanglot

Tu m'as fait l'écho du souffle emporté par l'amour
Tu m'as regardé par-delà le silence inconnu
Tu m'as regardé jusqu'à l'inavouable
Jusqu'au temps déplacé du coeur qui se livre
Tu m'as regardé jusqu'au battement nu

(À tout le personnel hospitalier qui accompagne nos malades jusque dans le sommeil. Merci du fond du coeur)