Les bras posés sur la rambarde
De ma fenêtre, je paresse
A caresser l'espoir, en rade,
En triant les vieilles promesses.

Mal me prit de croire ces bouches
Qui s'agitaient dans mon sommeil
Diurne, ou celle dont les touches
Eclipsaient le plus doux soleil.

Combien de mots flottent, perdus,
Papillonnants à tire-d'aile
Lorsque le silence est trop nu
Pour toutes ces voix sans sommeil ?

Certains sont restés suspendus,
Des « je t'aime » sans permission,
A des lèvres bien trop tordues,
Agonie dans l'hésitation ;

D'autres s'égarent dans la nuit
Sans écho, l'espace profond
Eteignant tout au fond de lui
Ces syllabes en perdition.

Alors, par l'ennui titillé,
Suivant les traces des regrets,
Je me décide à les pister,
Ne pouvant les laisser filer.

Avec un filet à paroles
Pour celles que l'on trouve en l'air,
Je pars à la chasse un peu folle
Aux mots s'envolant vers l'éther.

J'en rattrape d'assez jolis,
Quelques douces rimes d'amour,
Ils n'étaient pas vraiment partis,
Cherchant le chemin du retour.

En voilà quelques uns plus durs,
Orphelins de mère colère
Passés à travers les ratures,
Gentiment je les récupère.

Mais les plus tristes, déjà loin,
S'évertuent à me distancer ;
Sombres, je ne les vois pas bien,
Confondus dans l'obscurité…

Bien au-delà des réverbères,
J'en chope errants vers le sourire
Jaune de la lune trémière
Butinée d'astres en délire,

Qui de ma plume vient jouer,
Lune à tics de mes insomnies,
Blafarde muse courtisée
De constellations ennemies

Et mon filet danse sous elle
Dans le frisson de la soirée
Baignée de lumière aquarelle
Où tant de rêves sont formés,

Pour une humble collection,
Fruit de mon oisiveté…
Non comme celle aux papillons
Ma chasse est bien intentionnée,

Puisqu' enfin content de mes prises,
J'étale ma collection,
Sans les blesser, ces mots, en frise,
Sans dédaigner l'appréciation.