Je me suis vue dansant avec les mots une ronde endiablée dans la torpeur mauve étoilée des vapeurs de hammam un jour d'orage. Ils étaient tout fous, ces mots, et si rigolos avec le bonnet phrygien de guingois. J'ai fait mon numéro comme papy Hugo !

Je me suis vue au milieu d'une docte assemblée soudain fée Clochette riant en grelots de lettrines, svelte et aérienne, soufflant à l'oreille du magister des ballades coquines. Quelle tête il a fait quand un ballet j'ai orchestré à la manière d'un Gabriel Fauré !

Une nuit de lune féconde, je me suis vue, seule sur mon balcon, face à l'infini soucieux, langoureusement enlacée par les douces pages d'un livre amoureux éperdu, héroïne en dentelles de cellophane. Que de caresses félines ! Que de suggestions mutines. Rafraîchissant enchantement !

Eblouie de soleil sur une plage étonnée, je me suis vue, fière amazone chevauchant à la tête d'une armée de métaphores princières, riches héritières d'un passé depuis longtemps trépassé, vaincre des sonnets tout engoncés dans leurs armures surannées. Quel héroïque carnage !

Que rêves ce n'était ! La réalité m'a retrouvée et livrée aux dictionnaires des savants atrabilaires, esclave consentante, à ma table par les rimes enchaînée, par les césures condamnée à devoir, pendant toute une année, versifier odes et triolets car, m'a-t-on dit, c'est ainsi qu'un poète se fait ! Dur apprentissage !