J'ai accroché mes larmes à un porte manteaux
dans un placard sans charmes j'ai suspendu mes maux
plié mes cicatrices comme une vieille paire de draps
remisé mes blessures tels de vieux papiers gras

J'ai soigneusement placé des boules de naphtaline
là entre chaque fragment de mémoire assassine
pour éloigner les mites dévoreuses de souvenirs
qui rongeaient mes hiers et rongeaient mes sourires

Accroché à un clou un sac plein de lavande
offert à mon passé un peu comme une offrande
comme un dernier cadeau, un souffle de fraicheur
pour ne pas qu'il moisisse arrosé par mes pleurs

J'y ai rangé aussi un genre de bas de laine
poche à économie pour épargner mes peines
en avare, heure par heure, conserver mes douleurs
amasser les regrets, banquier de mes rancoeurs

J'ai disposé à plat quelques photos jaunies
robe blanche autrefois, voile sépia aujourd'hui
ton sourire rien qu'à moi avant que d'être à lui
une ombrelle ce jour là maintenant parapluie

Puis j'ai fermé la porte de cette penderie infâme
j'ai soufflé sur les braises fumantes de mon âme
vu renaître le feu au creux de mes prunelles
et sans aucun remord je me suis fait la belle

J'ai déserté ma vie morose et sans chaleur
pour me chauffer le corps et voir rougir mon coeur
revivre un bref instant avant que tout s'éteigne
avant que du néant ne survienne le règne

J'ai goûté ces instant appelés rémission
projetté vers demain, mensonge par omission
j'ai oublié d'me dire qu'mon temps était passé
qu'à force de conneries ma vie s'était lassée

Aujourd'hui c'est la fin et je dois me quitter
je n'ai plus d'avenir, hier s'en est allé
je garde un goût amer, un goût d'inachevé
mais je n'ai plus d'envies, je suis trop fatigué.