Madame,

Il est 22h30 à l'heure où je commence cette lettre que je connais désespérée à l'avance. Il serait plus logique de l'envoyer à l'un de mes amis qui je sais sont là pour moi mais malheureusement aucun d'entre eux n'est à même de comprendre ce que je vis au quotidien et il m'est assez triste d'avouer que la seule personne capable de me comprendre reste le meilleur professeur que je n'ai jamais eu. Mais ce n'est pas en tant qu'élève qui écrit à son professeur que j'écris cette lettre que jamais je n'aurais imaginée écrire un jour. Je l'écris juste pour un être, un être capable de comprendre ce que je ressens au jour le jour. Car je sais que vous en étes capable, autant que je suis certainement l'un des seuls pour ne pas dire le seul à comprendre ce que signifient toutes ces petites allusions que vous nous faites en cours concernant votre romantisme et votre idéalisme… Vos cours sont d'ailleurs toujours d'un grand réconfort pour moi, je suis peut être encore une fois l'un des seuls à se rendre compte de la chance qu'il a d'avoir un professeur comme vous. Ma classe me désespère chaque fois un peu plus, mais d'un coté tant mieux… Ils sont tous tellement inconscients que s'en est presque émouvant. Je sais que vous prendrez ça pour un compliment; quand je suis en cours avec vous, j'ai l'impression de vivre une scène fantasque du cercles des poètes disparus. Et pour cela je vous remercie infiniment.
Comme vous vous en doutez déjà, si j'ai pris ma « plume » pour vous écrire c'est que vous étiez un de mes derniers espoirs. Je n'en peux plus. Je souffre tous les jours sans que rien ne puisse arrêter ça, même l'amour n'y arrive pas. J'ai compris il y a un certain temps déjà que je n'étais véritablement fait pour ce monde, ou en tout cas pas pour ce siècle. Certaines fois, et en ce moment de manière assez régulière j'ai même l'impression de plus y appartenir, de plus être fait pour lui. Je me complais dans cette mélancolie qui me prend tous les jours, chaque fois que je me retrouve seul à penser… Je ruine ma jeunesse et peut être bien ma vie… Je m'empêche au maximum de ne pas dépasser ce stade de ce l'on a parfois appelé le « mal du siècle », pour ne pas sombrer dans la débauche… Ma seule solution jusqu'à maintenant a été l'espoir du changement et l'engagement mais est ce que l'espoir de transformer le monde n'est pas qu'une illusion de jeunesse totalement inutile ? M'enfermer dans la rêverie ne me suffit plus… La passion amoureuse ne me tend pas les bras, il suffit de regarder toutes ces tristes gamines de mon age pour le comprendre… Toutes misérablement enfermées dans un conformisme abrutissant que la société leur a appris à trouver ça parfaitement normal. Suis je condamné à rester un simple observateur ?
Je suis totalement perdu, je me sais doué d'une certaine qualité d'écriture et l'envie de travailler dans un établissement scolaire n'arrive pas. Le futur me fait atrocement peur, je n'ai aucune idée de ce que je vais bien pouvoir devenir… Mes idées sont maintenant trop confuses pour être écrites correctement mais je vous en supplie, aidez moi. Rien qu'une seule et unique réponse à cette lettre me comblerait de joie.
Je ne me suis même pas présenté, mais je pense que vous m'aurez reconnu.