Un poème de Chaïm Bialik
(1873-1934)

* * * *

J'aimerais beaucoup savoir,
Quelle sera ma mort,
Est-ce-que mon âme m'abandonnera
Dans un lourd soupir noir ?
Peut-être quittera-t-elle mon corps
Comme de la bile amère ?
Peut-être coulera-t-elle de mes yeux
Telle une perle-larme,
Elle frémira, scintillera,
En mon absence,
Elle ira peut-être briller dans un cœur tendre
Ou sur un diadème ?
faudra-t-il peut-être en finir
Comme pour le papillon de nuit insensé
Qui danse et vire-volte
Au dessus de la flamme des chandelles ?
Ou peut-être que mon âme
Telle une simple petite étincelle
Brillera longtemps encore
Eblouira les ténèbres
Et s'éteindra sans laisser la moindre trace
Quand viendra la nuit,
Qui enveloppe tout
De son noir manteau ?
Tant que je suis encore en vie,
La mort ne m'est peut-être pas destinée,
Je me dresserai en robe de papier
Parmi des livres,
Alors qu'une vulgaire souris grise
mangera lentement mes entrailles
Et que se disperseront mes os
Couleur de papier mâché ?
Peut-être me tiendrai-je encore vivant,
Là où l'on creusera ma tombe,
Et réciterai-je seul le kaddish*
Pour moi-même ?
Peut-être la mort interviendra-t-elle
Comme si de rien n'était,
Une nuit d'hiver, mauvaise et venteuse
Me poussera contre la haie,
Où gelé et affamé
Je crèverai comme un chien,
La neige ensevelira mon corps,
Et le vent transportera
Dans le monde entier
Mes dernières paroles et mes imprécations.

* le kaddish : prière des morts.