Il est entre mes mains petit et détenu
S'ouvre à ma volonté comme ce pauvre otage
Qui sent la bonne hostie dans tout son contenu
Et me livre sa voix d'amant page après page

Je tiens contre ma peau son manteau de carton
Et suce tous les mots qu'il offre à mon regard
Tantôt l'esprit s'éprend de ses axes hagards
De ses retranchements à ses orientations

Pour une prose au loin dont le sens conformiste
Abjure ses notions dans mes discernements
Une souplesse engendre mon entendement
Et je fais mien son corps et ses antagonistes

Mais quand le verbe tend ses champs à perte d'œil
Lexicaux soutenus de démonstrations
Se dessinent à mon âme en illustrations
De scriptions et propos que le silence accueille

Des frissons au sang coulent quand il est polar
Entaché des plus vils agréments du langage
Dans les bas-fonds de l'être il entend le sonar
Qui détecte le pire et voit ses engrenages

Toujours à son enquête il déroule l'histoire
Mon cœur est captivé et les murs qui se dressent
Entre réalité et image illusoire
Renferment dans mon temps des leurres auxquels j'acquiesce

Pour un suave ouvrage aux lettres voluptueuses
La pupille éclairée de feu et l'ombre moite
Les chairs sont aux coussins qui en lèchent la ouate
Libidineux moments des glandes saliveuses

Et d'un autre roman qui part à l'aventure
Où palpite ma foi comme un organe à rompre
Des lectures transies qu'il ne faut interrompre
Au péril d'une vie qui rejoint sa nature

Il est à moi l'ouvrage et cette possession
Rend riche d'exister dans le confort volage
Des fantasmagories qui ouvrent des passages
Vers des ciels d'euphorie dont je fais ma passion

Lors juste entre mes mains avides de tournures
Le geste parle bas, les verves s'emmémorent
Et nourrissent les mânes des plumes à l'usure
Font affluer cette encre qui me revigore