L'aiguille est au sillon du disque de velours
Et la musique lance un appel au retour
Le monde est au passé, ton cœur au diapason
Chaque note de blues à ta vie se confond

Et tourne en crissant la ritournelle du spleen
La chatte lovée dans les coussins de vitrine
Son miaulement de pitié sous la lampe fade
Conte un amour blessé qui t'a laissé en rade

Des coches de piano sur ta peau délaissée
Des gouttes d'eau sonores et ton âme est touchée
Dans la cheminée vide et absente du corps
Le froid s'infiltre en toi et lentement te mord

Les souvenirs font loi, les cris du saxophone
Déchirent un peu la nuit qui s'étend et fredonne
Tous les chuchotements de ce qui s'est enfui
Ton mal qui ne tient plus qu'au son s'en est épris

Tu fixes les vagues noires en bord de platine
Et les lointaines plages amarrées aux rétines
N'ont plus le sable chaud des soleils d'autres fois
Des sentiments déchus il ne reste que toi

Et l'aiguille plantée dans l'organe vinyle
Sa jumelle-pendule aux refrains qui oscillent
Toutes deux tentent en vain de fondre ton chagrin
Mais leurs chants monotones en amplifient le teint

Blafard est ton nom quand plus rien n'y résonne
Dehors les tambours pourraient piller ton cercueil
Et cette lourde pierre amie de ton fauteuil
Dans lequel à présent il n'y a plus personne

Se fend et se fend sans défense et toute seule
Mais moi je t'attends en faïence, en épagneul
Sous ta fenêtre close avec des fougues en brins
J'essaie du fond de tout de te donner la main

J'entends crapahuter le cafard sur le sol
Aux rythmes décadents du cercle de pétrole
Toute la poésie des symphonies de fond
Je tisse des portées pour en faire des ponts