Dante dans son enfer en forme d'entonnoir
Les avait accablés de terribles souffrances,
Les réprouvés en cercle, affligés de démence,
Tremblaient emplis de crainte et de grand désespoir.
Ils subissaient  la loi dite « contrapasso »,
Science redoutable des pires châtiments,
A chaque crime était associé de facto
Une atroce torture infligée longuement,
Implacable gardien de ces lieux exécrables,
Le Cerbère jetait des abois effroyables,

Les grands blasphémateurs sous des flocons de feu
Gémissaient de douleur en suppliant les Dieux,
Dans un tourbillon mugissant de voix plaintives,
Se tordait dans les airs une meute lascive,
Tout enivrée d'amour, esclave de la chair,
Consumée lentement sur un tragique éclair.
Un cortège pesant soufflait dans un ravin,
Chacun en chape d'or grimaçait en chemin
Car des longs clous de plomb sous leur grand capuchon
Transperçaient leur crâne de pendables fêlons.
Des arbres difformes aux allures spectrales
Que venaient lacérer les horribles harpies
Répandaient du sang noir à l'odeur infernale,
En poussant les longs cris d'une écorchée roussie,
Un damné en courant exhibait ses entrailles,
Fendu de haut en bas par une atroce lame
Aux mains d'un démon fou qui ricanait en flamme :
« Regardez ce bourreau, virtuose en tenailles ! ».
Un autre traînait, las, sa tête détachée
Qui l'arrosait, impie, d'orageuses huées
« Vil exécuteur, tu ne crânes plus, faraud, 
Depuis que tu subis ce que tranchait ta faux ! ».
Mais l'atroce spectacle atteint son apogée
Quand  sinua sinistre une pauvre Arachnée,
Son corps si fabuleux sur des pattes velues
Se convulsait en vain, hissé par des sangsues.

Ainsi dans ce désert de glace et d'incendie
Parcouru de sanglots et vociférations,
De plaies purulentes et de lamentations,
De diables hirsutes qui sèment l'agonie,
Tu as placé, Dante, cette aire de justice
Sous l'œil étincelant d'un lucifer fielleux
Qui regarde arrogant ces drames et supplices
N'ayant plus goût à rien tant il est nauséeux.
Mais, cher Alighieri, ton enfer est trop sain,
Il est très rassurant car il est cohérent,
Les méchants sont punis, c'est fort réconfortant,
Belle théodicée qui ne signifie rien.
Car notre enfer à nous se passe sur la terre,
Les innocents meurent sans un gémissement
Les assassins pullulent comme des serpents,
Ils sont puissants banquiers ou cruels militaires,
Ils affament les gens que courbe la misère,
Massacrent des enfants sous le regard des mères,
Vivent dans des palais en monarque replet
En flattant leur palais par de pesants fumets
Et leur impunité apparaît sans limite
Tant le monde à leurs pieds encense leurs mérites,

Alors, vois-tu, poète, si justice il y a,
Qui donc l'incarnera sinon tous nos combats,
Leur seul lieu est ici, sur ce miracle bleu
Qu'un artiste a conçu dans un geste amoureux.

Écrit par Banniange
Il faut habiter le monde comme un poète
Catégorie : Politologie
Publié le 17/02/2022
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 19/02/2022 à 16:43:25
Merci du fond du coeur Banniange pour ton poème d'une atroce beauté ! Je dis à dessein atroce, parce que c'est de mes mots celui que j'ai choisi pour dire le pire du pire, proche de mon impensable à moi, formulation d'un impensable qui fait frémir l'entendement que j'avais trouvé en lisant Howard P. Lovecraft découvert à 16/17 ans, dont les nouvelles étaient parsemées des termes "indicible" et surtout "innommable" dont je m'abusais d'abord un peu en souhaitant qu'il étende son lexique pourtant riche, puis je le faisais mien bientôt : "l'atroce" mon innommable à moi, cet indicible que tu dis si bien, tu le formules dans tes vers où par un prodige du hasard tu le marques avec l'histoire d'Arachnée !

Je m'explique : vers 1997 j'ai vu le film "Seven", un tueur en série y supprime des "pécheurs" selon ses vues en s'inspirant des textes religieux et des oeuvres littéraires ou d'arts du "répertoire" le plus fameux, selon mes souvenirs. L'un des deux inspecteurs, interprété par Morgan Freeman, plus chevronné, se rend à la bibliothèque principale de New-York pour y compulser des livres célèbres où il pense trouver des indices concernant la structure mentale et l'imaginaire de l'assassin... Il feuillette rapidement la "Divine Comédie" de Dante Aligheri, le "Paradis Perdu" de Milton, etc... L'ouvrage de Dante est visiblement illustré par Gustave Doré magistral interprète de l'oeuvre, la cassette vidéo de l'époque m'avait permis de détailler ces illustrations où je cherchais des passages, moi aussi, pour faire mon enquête lol... Je suis tombé sur l'image de la "mutation" illustrée par l'artiste Doré... Une nuit suivante, je fis un cauchemar, je m'éveillai en sueur comme jamais ça ne m'arrive, et j'esquissais peu après d'écrire une nouvelle d'horreur atroce au possible, de ce que j'avais vu d'atroce dans mon cauchemar, qui m'avait choqué en tout cas en relation certaine avec ma phobie des araignées. Le week-end dernier, par ailleurs, j'ai parlé à une amie de ce que j'écris à cet instant ici, de la malédiction frappant la tisseuse douée, fille innocente qui voulut se croire l'égale d'une déesse légendaire, et de l'illustration terrible et remarquable de Doré, que je trouve encore à nouveau citée dans un livre rassemblant tout l'?uvre dessiné et peint d'Odilon Redon (en rapport avec son "Araignée souriante", dont c'est le titre du dessin sympathique !) ... À ne pas croire ni vouloir lol !

Je suis très attaché aux oeuvres poétiques de Dante. Vers 18 ans un tableau préraphaélite me fit découvrir l'amour de Dante s'appostant sur un pont florentin pour voir Béatrice passer en compagnie de deux amies à elle, je m'intéressais à la "Divine Comédie" sans la lire jusqu'à ce que j'aille visiter Florence à 24 ans où j'achetais la "Comédie" à une librairie française en traduction, puis commençait de la lire in situ... Florence est pavée de plaques ça et là situant des lieux dits par Dante avec ses vers plaqués sur les pavés. J'appréciais cela. En 1991,je connaissais très peu la peinture, et du reste je n'ai pas vu la Galerie des Offices à Florence, ni les musées. C'est pour Dante que j'ai fait mon premier voyage seul à l'étranger, pèlerinage en somme à la source de ce qui en moi s'oppose à l'atroce si répandu ici-bas et dont tu parles dans tes vers à la fin : "Amour qui meut le soleil et les autres étoiles" et l'amour bienveillant du prochain, et l'amour affectif, et tout amour au monde, que Dante entre autres poètes chanta petit à petit en ouvrant le Paradis poétique aux lecteurs heureux de ses vers...

"Car des longs clous de plomb sous leurs grands capuchons" : le défilé incessant de tes vers d'une qualité telle que je les savoure longuement, si je ne retenais que le phrasé harmonieux de ce seul vers, déjà j'aurais délice à lire en la lice de poésie où tu opères dans mon coeur ouvert la joie d'y verser tes vers, ton univers marqué de sombre, de fantastique, de douleur, de lucidité, du grand Romantisme d'antan et de toujours.

Pour l'artiste qui a conçu ici sur ce miracle bleu par sa geste amoureuse la chose écrite, que je lis à cet instant, et que je vis désormais ayant rencontré ma Béatrice (et pour une fois contre Mallarmé je vais prononcer...: "La construction (de moi est) ma Béatrice"), je te remercie toi Banniange et j'adresse un merci plus abstrait également à mon Dante et à la Source du principe divin qui nous meut, me semble-t-il, d'un amour insensé, sa vocation. Un favori conclut logiquement ce com.
jacou
Posté le 20/02/2022 à 14:45:01
Merci pour ce commentaire "talmudique" digne de l'entretien infini de Maurice Blanchot( critique littéraire et écrivain que tu dois apprécier sans nul doute).
C 'est aussi lors d'un pèlerinage que j'ai découvert Dante, ce n'était pas les lumineuses collines de Toscane mais Les rues brumeuses et tortueuses de Portobello ce quartier londonien si typique, dans une de ces vieilles librairies aux parfums livresques, je tombais sur une collection d'ouvrages illustrés par G Doré dont la Bible, La Divine Comédie, Le Corbeau de Poe et The Rime of the Ancient Mariner de Coleridge, quelle découverte enthousiasmante qui sera à l'origine de mon goût immodéré du fantastique( grâce aussi parallèlement à l'ouvrage prodigieux de Marcel Brion sur l'art fantastique).
"Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate "et bien non, le labyrinthe fantastique m'aura causé bien des stupeurs et des émois, évidemment comme toi l'univers de Lovecraft m'aura fasciné malgré les emphases stylistiques "abominables", quelles intrigues! A cet égard, la maison de la sorcière reste pour moi un monument horrifique (à lire les longues soirées d'hiver, seul dans une chambre mansardée-frissons garantis-J'apprenais récemment que le grand cinéaste G Del Toro(dont je te recommande chaudement Nightmare Alley) avait eu le projet de mettre en scène "Les montagnes hallucinées", hélas faute de budgets...
Etrange coïncidence (ce fameux hasard objectif) que cette histoire arachnéenne dont les fils imaginaires nous ont réunis!
Je te souhaite un bon dimanche pas le nôtre terne et venteux comme souvent dans ce "plat pays"...
Banniange
Posté le 20/02/2022 à 20:30:21
Merci Banniange, oui j'ai lu et apprécié Maurice Blanchot, accompagnant par ses écrits quelques poètes tel Edmond Jabès, et bien d'autres écrivains... Ta référence au Talmud me plaît beaucoup, j'aurais du reste aimé être Juif, rien que pour y avoir accès, car ce genre d'études m'aurait plu où les jeunes se formant à la vie spirituelle sont invités à débattre de tout sujet, et avec audace, et avec originalité de point de vue : ne sont pas étonnants les éveilleurs comme Einstein, Freud, Marx, et tellement d'autres parmi tous les champs du savoir quand depuis toujours ils sont minoritaires mais si actifs intellectuellement ! Mes premières petites amies étaient toutes juives, à une exception près, et je vivais ainsi mon admiration pleine et entière !

Je te remercie pour "l'archéologie" de ta passion pour le Fantastique, qui passa par Londres donc, et devint bien vite ou en même temps une passion poétique aussi bien ! Pour moi à 16 ans, j'ai lu les nouvelles fantastiques de Poe, et aussi dans le même livre de La Pléiade son "Corbeau" : éveil à la poésie, et de plus traduit par Charles Baudelaire ce poème impressionnant me conduisit vers la poésie baudelairienne ("Les Bijoux", "La Passante", "Luxe, calme et volupté", ô Jeanne Duval, etc...), et puis les poètes français si grands du 19ème siècle, et puis le Surréalisme agrémenté de Lautréamont avec ses "Chants de Maldoror", mais également ses "Poésies" déjouant le poétique, sans effet sur moi, quoique...!

En même temps j'ai découvert Lovecraft, et tu as raison et je te rejoins à nouveau ici : sa "Sorcière" dans sa soupente d'auberge pour étudiant est extrêmement impressionnante, conjuguant comme lui seul sut le faire la science dont il était friand (astronome amateur, il écrivait dans des fanzines à ce sujet, et il aura sans doute lu Camille Flammarion, et bien sûr "Eurêka" de Poe qui était métaphysique et astronomie s'emmêlant, que j'ai tenté seulement de lire personnellement...) avec l'occultisme et l'ésotérisme dont il se gardait en bon matérialiste "scientifique, n'y prenant que des ingrédients pour nourrir sa veine fantastique assez inépuisable ! Edgar Poe m'avait plu, un peu gothique américain et lointain mais si intelligent et brillant, puis Stephen King qui, lui, a vécu sa vie pleinement, marié et enseignant d'abord avant que de pouvoir vivre de sa plume de façon méritée, quand Poe et Lovecraft avaient des soucis à "s'incarner", et à se marier notamment, quoique entourés d'amis ! "La Maison de la Sorcière" étendit ma stupeur fixée depuis toujours sur l'espace et le temps, et Einstein avait été lu par Lovecraft et saisi, comme s'il s'agissait d'un grimoire de sortilèges !

Tu sais, je ne crois plus guère au hasard objectif d'André Breton, guide poétique qui me fit vivre mes jeunes années, où je passais des nuits entières dans Paris pour revivre "Nadja", où je restais amoureux de mon premier amour nommée Lolita pendant 5 années afin de réaliser "L'Amour fou", où je tentais comme désormais d'associer le Rêve au Réel comme dans "Les Vases communicants", ces 3 recueils de Breton qui ont compté pour moi plus que tout, et d'autres car sa "Martinique charmeuse de serpent" ne m'a-t-elle pas aidé à m'établir d'abord avec une Martiniquaise au début de ma vie professionnelle sérieuse ? Allez savoir...

Non, désormais, c'est un formateur qui fin décembre m'a fait connaître le propos d'un autre poète qui a longtemps été proche de Breton, puis a divorcé du Surréalisme pour plusieurs raisons, après avoir disparu autour du monde, en rentier qu'il était, durant plusieurs mois : Paul Éluard (Eugène Grindel à l'état civil) avait corrigé la formule d'André Breton en formulant à son tour que "Il n'y a pas de hasard, il N'Y A QUE des rendez-vous" (je souligne la négation du hasard par Éluard, parce que petit à petit j'en comprends la portée dans ma propre vie depuis le 27 décembre 2021 où quelqu'un me l'a dite pour la première fois, et depuis ceci chaque jour s'effectue, et désormais c'est encore un poète qui me guide, par qui j'ai du reste renoué mon intérêt pour la poésie en 2000 où je lisais enfin ses œuvres complètes pour la 1ère fois, juste après avoir relu dans mes livres "Le Corbeau" de Poe et "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire, et "Nadja", "l'Amour fou" et un peu de Paul Valéry le poète admiré par le jeune André Breton...

Et ceci dit, vive Guillermo del Toro, dont j'aurais aimé voir ce qu'il aurait fait (ou fera, qui sait...?) des "Montagnes hallucinées" de Lovecraft, son premier texte que je découvris à 14 ans, impressionnant par son récit constamment circonstancié sous forme d'un rapport et d'échanges à distances...incommensurables, dans l'espace de l'Antarctique et dans le temps qui se déploie vers l'époque où régnèrent les entités des Grands Anciens imaginés par Lovecraft...
jacou
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28/03 11:48CRO-MAGNON
Super ! Icetea devient un site de rencontres ! Voir les commentaires reçus ce jour sur chaque poème déposé !
26/03 10:53Alphaesia
Merci Sarahg, bonne semaine à vous...
24/03 10:24Sarahg
Bonne semaine à venir à tous et toutes !
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Merci avec Retard, cher Sylvain .. Amitié !
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08/03 12:00Yuba
Merci Sylvain ...bonne fête à toutes les Dames du site.
08/03 06:17romantique
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01/03 11:11Chrysantheme
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01/03 11:11Chrysantheme
C'est aujourd'hui que mon oeuvre passe en commission de lecture
29/02 12:20CRO-MAGNON
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29/02 10:15Chrysantheme
Et c'est mal parti
29/02 10:14Chrysantheme
si j'écris pas aujourd'hui je loupe le coche pour 4 ans

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