Ne te retourne pas,
Tu verrais des visages en effroi
Se fissurer comme des masques de plâtre,
Tu verrais des mains de sel
S'éparpiller dans ces bourrasques de feu
Le long de la plaine hurlante
Tandis que s'effondrent des temples
Où errent quelques pénitents aveugles,
Des tours broyées
Par les mâchoires des ténèbres
Et un peuple d'ombres qui se cognent,
Se fracassent en furie
A la recherche d'une chair encore vivante.
Ne te retourne pas,
Tu n'y verrais qu'un désert de pierre
Où grouillent, feulant, des vipères malades,
Où des scorpions obstinés grincent
Au creux des tombes sans mémoire.
Ne te retourne pas,
Que verrais-tu sinon ton image aux trousses
S'agripper douloureusement
A tes pieds
Pour te retenir au passé.
Regarde devant toi,
Ne scrute pas l'horizon et ses prestigieux mirages
Où chimères et licornes, agneaux et anesses
Se transforment la nuit
En goules implacables
Qui lacèrent l'aurore quand elle vagit dans la brume.
Regarde devant toi,
Simplement ce chemin sur lequel tu avances,
Pas à pas,
Du soir au matin,
Jour après jour,
Ce chemin où s'ouvrent
Des corolles de lumière,
Ce chemin à la rencontre d'un autre
Que tu ne connais pas.
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Ton poème est puissant. Les statues de sel attendront peut-être, si tes sages conseils de magicien des vers opèrent. Ta dernière strophe ouvre l'espoir, laisse béante la porte d'une éternité provisoire qui serait accordée... Tu ramènes à ma mémoire le texte d'Artaud dans son "Théâtre de la Cruauté", qu'il a consacré à décrire les effets que lui procurait un tableau de Lucas de Leyde, "Loth et ses filles", et dont il estimait que le théâtre devait être porteur de bacilles de peste et de malédiction pour opérer la catharsis du spectateur, le délivrant de ses miasmes par la fièvre essorée... Du Artaud tel qu'en lui-même. Pour tout ça, je te remercie Banniange et pour citer un titre de film : "Ne vous retournez pas !" |
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jacou |
J'avais lu dans ma jeunesse, le théâtre et son double d'Artaud, on y trouvait en effet un puissant appel au théâtre cathartique tel qu'il fut représenté dans les grandes tragédies grecques, triste fin pour ce visionnaire baladé de soirée mondaine en soirée mondaine comme un phénomène de foire qui ânonnait quelques hermétiques oracles devant une assistance de tartuffes littéraires où le snobisme le disputait à la servilité(à lire les chroniques de Jean Paul Aron dans" Les modernes"). Quant au film de Nicolas Roeg, merci de l'évoquer, c'est un petit joyau de film fantastique dans une Venise funèbre à souhait! |
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Banniange |
Impressionnant c’est l’image que j’ai de cette histoire qui nous rappelle tant la logique | |
isma |
Merci de votre lecture isma, mais j'ai l'impression que votre commentaire a été coupé? | |
Banniange |
dense et sublime:) | |
romantique |
Merci romantique! | |
Banniange |
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