La visite à l'ami
J'ai ramassé pour toi une cigale morte
- tu n'en as jamais vues - et placé quelques figues
Dans du papier de soie : elles sont belles et fortes
Comme les seins charnus qu'on aimait chez les filles.
Ils sont nombreux les ans, que tu pens's que je pens'
Et moi à toi et toi à moi : télépathie.
Tes enfants, mes enfants, nous les voyons qui dansent,
Comme nous autrefois : belles années parties.
Et nous voilà tous deux, que le temps a roulé
Comme les grains du sable sur la plage les vagues.
Je vois bien à nos yeux quelques larmes couler :
L'amitié est friable dans la vie qui zigzague.
Bras dessous, bras dessus, nous laissons nos familles
Se découvrir un peu et nous nous éloignons.
Elles n'ont jamais su nos années en guenilles,
Mais savent de nous deux l'étrange communion.
Il fait beau aujourd'hui et l'on voit dans la cour
Danser des particules dans les rais de lumière.
Les souvenirs enfouis reparaissent au jour
Comme une pellicule déroulée en lanière.
Tu m'emmènes aux serres où poussent des courgettes
Qu'aux feuilles éclaboussent de grands tapages jaunes :
Les fleurs où les abeilles allègrement se jettent ;
Comme toi que les rousses attiraient étant jeune.
Et puis nous nous tapons fort aux épaules, aux mains.
Accroupi, tu soulèves les feuilles d'un fraisier :
Le rouge et ses débords a tout le goût carmin
Des femmes dont les lèvr's me brûlaient à Béziers.
Et nos deux regards savent tout ce qui nous relie :
Nous rions d'être ensemble, simplement, côte à côte,
Comme avant dans les gares qui menaient à Paris,
Comme avant dans la flambe, en toison d'Argonautes.
Nos lacets tout filés et nos semell's râpées
Ne nous empêchaient pas de briller aux soirées,
Ni aussi d'empiler de belles échappées :
Qu'il est loin ce fracas qui fait l'amour poivré.
Nous mangeons des framboises et nous nous rappelons
De tous ces nombreux soirs, quand les jours étaient longs,
Mais trop courts à nous yeux pour se jauger et rire,
Et se moquer des dieux sans oublier de lire.
En bas les enfants rient en nous voyant ainsi
Picorer sur les ronces la douceur de la vie.
Plus haut, dans la prairie, les femmes, ell's aussi,
Se moquent en réponse, et cela nous ravit.
Aubépin des Ardrets
Écrit par AdA
Mais avant de goûter
La chaleur de la chair Je veux être hébété D'esprit tranchant et clair Catégorie : Amitié
Publié le 18/02/2019
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Un poème agréable pour de belles retrouvailles entre amis Le bonheur évident dans les choses simples de la vie Merci Ada pour cette belle lecture ! |
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Yuba |
Bravo, poète, encore des comme ça, qui vont à ravir ! | |
jacou |
@Yuba et jacou Merci d'avoir pris le temps de lire ce texte ;-) |
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AdA |