J'erre dans la lande déserte à l'heure fade
Où tout se noie de nuit, de grisaille saumâtre
Qui plombe pour la vie, dans mon âme maussade
Le désir d'encenser l'humanité marâtre

Le duel fut âprement mené que j'ai gagné
Il n'aurait pas dû me sonder avec ces yeux
Ni dire ces mots, résonnant pour un damné
Telle l'esbroufe. Vie, tu n'as rien de précieux !

Je peux me mutiner contre toi, chaque jour
Dieu n'existe plus pour moi, et je le conchie
Dormez-bien, condamnés, à l'abri d'abats-jour
Je saurais vous trouver jusqu'en vos établis !

J'ai gardé la tête du duelliste en un sac
Afin de lui rendre un dernier honneur, ce soir
Je vais boire une bière en son crâne, à ce mac
Faire mousser ce liquide aux bords de sa poire !

Son corps condamné aux corbeaux pourrit le lac
En tant qu'immortel, je ne peux le travestir
Et, dans la longue chaîne des âges qui vaquent
Je prends ma place, comme un maillon d'avenir !