I.

Ô nuit d'hiver ! Déploie ton ciel comme un vitrail
Fait de froide noirceur, pour qu'affluent les ténèbres
Dans le sang des humains ; que leur danse funèbre
Ouvre sur l'Indicible et la Mort son portail !

II.

L'horreur déshabille sa chair,
Exhibant l'insoutenable,
L'inommable.
La nuit se fait muette ;
Il n'y a rien à dire.
On ne peut qu'éventrer
Ses entrailles
De carminé diaphane
Et tracer
Des boulevards brunâtres,
Chemins sans destination.

III.

Nuit noire.
Les bars dégueulent de soûlards.
L'hiver leur offre son ciel morne
Austère et froid comme un mur borgne.

Dans les ruelles alentours,
Le matin rôde, en bon vautour.
Ses rayons pleins de cruauté
Eclaireront avec fierté
Ceux morts de froid, cristalisés.

Au-dehors tout est las,
La mort gravée dans le verglas.
Le gel et la neige suintent
D'étoiles noyées dans l'absinthe.

IV.

Les drames que l'on tait sont comme des cadavres
Que la mémoire coupe et jette dans la mer,

Et chaque résurgence
Est une marée noire
Expulsant un morceau que l'eau n'a englouti.

D'abord on craint les vagues.
Et puis, on les attend,
Espérant qu'elles nous noient.

V.

Le vent s'infiltre entre les briques
De cette grange abandonnée
Au croisement
Entre le rien et le néant
Comme un voleur, dans les maisons des braves gens.

Mais il n'y a pas un voleur
Dans le hameau du Vieux Pendu,
Pas une fleur
Dans les champs
Labourés par les orages.

Le long des routes dépeuplées
On est si seul avec soi-même
Qu'on croît entendre le long râle
D'un clocher qui ne sonne plus
Depuis longtemps déjà.

Passé le cimetière sauvage
Et le lieu-dit des Endormis,
Rien.
Un monument aux morts,
Des carcasses d'oiseaux,
Une marelle sans couleurs
Et une flaque sans reflet.