Quelques pas aux bords de ce champ de blé
Et oncle Abderrahmane vieux de ses ans
Au regard pensif lointainement décollé
Vers son dur passé qui se joua de ses plans

Quatre-vingt dix neuf années sont passées
L'œil tiraillé par cet air, tellement pensif
Sa plantation qui à sa mémoire ressassée
Ne satisfaisant plus son regard fin abrasif

Il pense, et ne cesse, l'esprit toujours hagard
Un petit sourire narguant du petit coin de l'œil
Il avait tout compris, songeant à ses moutards
Qui papotaient autour de son joli cercueil

Faisant semblant d'être sourd à la vilenie
Songeant aux jours mémorables de bonté
De charité en vers la très ingrate colonie
Qui n'avait rien saisi des sacrifices à volonté

Je compte loin voyager, ces jours ci disait-il
En vous léguant ce qui me reste d'amertume
Ce monde qui vous plais, mes terres fertiles
Et toute la conscience qui me reste en écume

Mais n'oubliez point cette terre qui a tout donné
De grâce et d'amour ses entrailles délicieuses
Elle toujours là à offrir, ne vous a abandonnés
Donnez-vous à elle, vous accueillera bien heureuse!

Vous ais-je préparé quelques manuscrits chiffrés
Ainsi vous vous garderez après m'être évanoui
De bien vous entendre comme de bien honorer
Ces engagements aux personnes à qui sont allouées

Ce n'est pas tout car pour ces terres tant promues
Il y a tant de choses que vous absents ignoriez!
La maison, la grange, et la cuillère que je remue
Font aussi partie des dettes, sur l'autre cahier

L'assistance qui depuis des mois tant charrie
Par l'espoir de voir l'oncle aller vite au trou
S'est vue surprise comme une vieille otarie
Ayant perdu sciemment sa poupe et sa proue

Se devant se retirer par quelque subterfuge
Sans se faire remarquer par l'oncle vieillot
Mais restait avec lui son dernier et la muse
Qui veillèrent dévoués à son œuvre, quel boulot!!!