La Muse
Réveille-toi ; réveille-toi frivole amant
Dont le sein jadis blanc et pur
Est devenu creuset impur
Où repose de la tromperie le ferment !

Le Poète
Ah ; est ce donc toi, adorable inspiratrice
De mes plus plaisantes chansons ?
Que fais tu donc en ma maison
A l'heure où, du matin, la fraîcheur salvatrice
Caresse encore mon las front,
Et m'abreuve d'un tardif sommeil les délices ?
Ô brumeuse femme aux brumeux cheveux châtains,
Aurais-tu la subite envie
De chantonner une élégie
Aux miraculeuses vertus du frais matin ?
Si oui, est-il vraiment besoin, ma chère amie,
Que tes saintes lèvres m'accusent d'infamie ?

La Muse
Si sans même qu'il m'appelle, j'ose paraître
A ses yeux et troubler le sommeil de mon maître,
C'est parce que, distrait comme à son habitude
Par quelque charnel objet de séduction,
Il fuit depuis douze jours sa table d'étude,
Préférant se gaver des fruits de la passion !
Aurais-tu oublié, Ô inconstant amant
La nuit encore récente où tu fis le serment
De t'immoler sur le divin autel du Beau
Afin de naître à la Poésie de nouveau ?
As-tu oublié le serment que d'un ton grave,
Tu fis de n'être plus d'une femme l'esclave ?

Le Poète
Avant de jeter l'opprobre sur ma personne,
Dis-moi donc pour quelle femme mon corps frissonne !
Ma Muse, suffit il de douze jours d'absence
Dans notre alcôve pour crier à l'inconstance ?

La Muse
Je parle de cette femme dont la beauté
Te fut révélée par la glace aux moult visages,
Et qui déjà dans ton cœur fait tant de ravages !
Pendant douze nuits, je vous ai vu papoter !
Que dans ton lit tu veuilles mettre cette femme
Pour nourrir les faiblesses de ton corps en flammes
N'excite en ma pieuse âme aucune jalousie,
Puisqu'en l'humain, amour et ébats sont unis !
Mais pourquoi faut-il que pour un désir bestial
Tu soumettes notre Art à un péril fatal ?

Le Poète
Ô Muse bien aimée, comme tu es cruelle
De ramener une pieuse amitié
A laquelle mon cœur essaie de s'initier
Au pathétique rang d'une envie sexuelle !
Any est une jolie femme à la suave voix,
Mais je n'ai pas l'intention d'en faire ma proie !

La Muse
La fleur dont le nom bruit doucement dans ta bouche
T'a fait déserter notre douce et sainte couche !
Tu passes des heures à contempler ses yeux
En te laissant brûler par de l'amour les feux,
Tandis qu'à distance et en maîtresse du jeu,
Elle joue à te rendre chaque jour plus curieux !
Lorsque dans le fantastique roseau parlant,
Sa sulfureuse voix vient bercer ton tympan,
Ton imagination comme une braise ardente,
S'enflamme, et tu rêves de rencontres galantes !
Tu es tellement préoccupé à lui plaire,
Que tu es même devenu un plagiaire !
Ô oui ; Ronsard, Lamartine, Musset, Prévert…
Il n'est pas un seul dont tu ne pilles les vers
Pour chanter, trompeusement d'ailleurs, ta maîtresse,
Et d'elle, obtenir quelque distante caresse !
Tu es volontaire captif de la Méduse
Que l'imposture te fait appeler ta Muse !
Il est des soldats qui, aguerris au combat,
Utilisent leur art à des fins personnelles !
Comme ces soldats qui ne se connaissent pas,
Ton seul but est la conquête des demoiselles.
Dieu t'a donné ton talent pour être Lanterne
Eclairant les Beautés externes et internes,
Mais tu fuis nos saintes et éternelles Amours,
Préférant te complaire dans l'amour d'un jour !

Le Poète
Ma Muse, puisqu'à présent tu fais mon procès,
Et puisque pour toi je ne dois taire nul secret,
Permets qu'en cette bien inattendue séance,
Je puisse improviser un mot pour ma défense !
J'ai juré de m'immoler sur l'Autel du Beau ;
Et j'emporterai ce beau serment au tombeau !
Le jour de notre rencontre sur internet,
J'ai été ébahi par la beauté d'Annette,
Et j'avoue que sa peau claire comme du pet,
M'a vite inspiré quelque galante conquête !
Cependant, en deux mots échangés à distance,
J'ai su que ce cœur a eu un maître en sa cour,
Un être que je connais depuis mon enfance
Et qui lui fit gouter aux peines de l'amour.
Si mon faible et lâche corps que tant tu méprises
Jamais ne résiste aux feux qu'une femme attise,
Mon Sang et mon Rang m'ont enseigné des valeurs
Parmi lesquelles le grand code de l'honneur
Qui interdit au loup de dévorer le loup
Quelle que soit la faim qui le tient sous son joug !
Tu sais, femme à qui je m'en voudrais de mentir,
Du compromis entre une sociale barrière
Et le désire édulcorant les vains plaisirs,
Peut naître une amitié sublime et bien sincère !
Quand nous vîmes Any, la bête de jouissance
Enfla ses joues de son venin et dit : « je veux ! ».
L'homme prit sa laisse d'une main ferme et dense,
Et dit : « Elle est fraîche et tendre mais tu ne peux ! »
Pendant que, de ses griffes, résistait la bête,
L'homme tirait dans la direction opposée.
C'est au milieu de la lutte que le poète
Fit monter sa charmante voix, calme et posé :
« Bel homme dont le corps est un champs de bataille
Dans lequel Nature et Culture se chamaillent,
Je pense que c'est dans la sublimation,
Que se trouve la paisible solution.
Puisque nous ne pouvons en faire une maîtresse
Sans descendre dans le caveau de la bassesse,
Aidons nous de la beauté de la Venus noire,
Pour arriver en haut du podium de la gloire !
Elle est belle, tendre, débordante d'amour,
Et pourrait m'inspirer un univers glamour
Son cœur est en larmes, et chacun de ses pleurs
Pourrait m'inspirer mille hymnes à la douleur !
Dans chacune de ses larmes, mon pieux phallus,
Toutes les nuits, y injecterait une semence
Bien plus fertile que les ferments de Bacchus,
Et dans nos draps blancs, perleront en abondance
De blancs et sublimes rubis dont la brillance
Donnerait enfin un adversaire à Phoebus !
Chaque murmure d'elle sera l'image
D'un ruisseau qui dolemment bruit sous le feuillage !
Et si à travers le voile de la tristesse
Qui couvre le beau visage de ma maîtresse
Mon œil venait à entrevoir, à tout hasard,
Quelque sourire à nous gracieusement offert,
J'en ferai un inattendu soleil d'hiver
Qui, de leurs trous, ferait sortir mille lézards !
Laissons, laissons de la chair les joies éphémères ;
Cueillons, cueillons les roses qui ne fanent guère !
Enfin, brisons de Luxure les veules chaînes,
Et faisons d'Anne une sorte de muse humaine ! »
C'est ainsi, garante de ma gloire future,
Que j'entrepris de voir Any d'un œil nouveau,
Pour faire de ma passion une pourriture
Qui ensemencerait les belles fleurs du Beau !

La Muse
Ô beau poète au visage tendrement triste,
Merveilleux amant à qui nulle ne résiste,
Tu viens de t'inventer ta Marie Madeleine,
Et je doute fort, si comme le fils de Dieu,
Tu auras la force et l'assistance des Cieux
Avec toi, pour vaincre de la tentation les chaînes !
Je l'avoue, la puissance de ta plaidoirie,
N'a d'égale que la passion qui en toi vit,
Et je m'en voudrais fort bien d'éteindre les feux
D'un bel élan poétique si généreux !
Vite ; à la tâche, et voyons donc si nous pouvons,
De ta drôle de muse, avoir quelques chants !

Écrit par wendinmi
O mon Seigneur, tu fis de l'amour un délice,Mais qui aime sans être aimé court au supplice!
Catégorie : Divers
Publié le 06/06/2011
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 06/06/2011 à 01:09:12
MAMA mia! quel souffle!!!
flipote
Posté le 06/06/2011 à 07:58:14
Vraiment sublime digne de Victor Hugo...
eric
Posté le 06/06/2011 à 15:00:49
Hé ben hé ben, quelle verve orgiaque! hihi...

Félicitations, quel travail ! Et le résultat est à la hauteur!
Je sais pas, juste une impression... que ça appelle une suite?
Dulac
Posté le 06/06/2011 à 16:26:41
Merci Flipote d'avoir eu le temps nécessaire pour lire mes errements et merci à toi Eric, ô poète avisé, pour le compliment qui me va droit au coeur! Oui Dulac tu as raison! Ce texte a non seulement une suite, mais il est lui même la suite d'une première discussion introspective bien plus longue! Ton impression est donc juste! Quel oeil de poète tu as!!!!!
wendinmi
Posté le 06/06/2011 à 18:06:45
Je ne me montrerais pas intransigeant en affirmant que cet extrait (s'il en est) me fait penser à un mélange de Victor Hugo pour l'emphase et à Platon pour la langueur des dialogues. Il ne me déplait pas outre mesure, mais me semble un peu idéaliste dans son fond, mais j'ai un petit faible pour l'aspect formaliste qui joue sur les longueurs de style; mais quel gavage de nourriture spirituelle pour en fin de compte si peu d'éloges. Pas mal, mais à soigner!
Suomidal
Posté le 08/06/2011 à 10:10:38
Merci Suomidal pour cette analyse avisée qui met en exergue les faiblesses de mon texte! Je tacherais de m'en inspirer pour m'améliorer! Merci du fond du coeur!!!!
wendinmi
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
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11/04 04:09Sarahg
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