Ce jour, j'ai erré dans l'immortelle savane,
Et comme, sur un sentier familier, un âne
Ramène son maître passif comme du marbre,
Mon pas m'a conduit à cet inoubliable arbre,
Sur le tronc duquel, comme gravure murale,
Trône encore de nos prénoms les initiales !

Dans cette partie de la vivante nature,
Le Temps semble avoir figé son cours, qui perdure
L'environnement de notre innocente alcôve,
Dont l'unique literie était l'herbe mauve
Et les pagnes gardant, près des regards indiscrets,
De tes toutes coquines tenues, le secret.

Oui Carine, la nature est pareille ;
Et la vaste savane que le jour éveille,
Et notre alcôve avec cet arbre comme toit,
Et ce lit qui ne connaît femme autre que toi,
Et de ce vieux nétier le gigantesque tronc
Dont la sève nourrit encore nos prénoms !

Ce qui manque ici à ce divin paradis,
Pour recréer mon intense joie de jadis,
C'est toi que j'ai chéri jusqu'à l'idolâtrie,
Et qui, par ta trahison, m'ôte toute vie ;
Toi qui m'appâtas avec ta face angevine,
Pour planter un sadique pieux dans ma poitrine !

Des oiseaux ta voix n'enchante plus le soupir,
Et l'air de la savane que mon sein respire,
N'a plus de ton doux parfum la douce senteur
Qui mettait un rafraîchissant baume à mon cœur !
Même que le jour a perdu de ses couleurs,
Lui qui n'a plus de ton sourire la blancheur !