A l'aube, sous les premiers frimas, le temps est incertain.
Le givre drape de blanc la végétation,
et laisse silencieux merles et pinsons;
Une cloche sonne les matines dans le lointain.

Un homme, vêtu de noir, se promène lentement,
longeant les rives de la Garonne en silence.
Son souffle roque et court, dans le vent se glace.
Sa main serre fébrilement un chiffon contre son flanc.

La plaie béante imbibe généreusement le linge,
laissant couler le long de sa jambe un filet de sang.
Son pied heurte une pierre et lui arrache un gémissement.
Ainsi erre en ses terres, Pierre seigneur de Comminge.

La fièvre, lance sur son corps la cavalcade des frissons,
Obscurcit son esprit et le peuple de souvenirs.
Au cœur de la Garonne une île ornée de ruine d'empire
semble appeler le blessé sous les frondaisons.

L'herbe qui pousse entre les pierres disjointes du pont,
fait naître les échos des rires et des confidences passés.
Dans un murmure, Pierre semble reprendre une conversation inachevée.
"Ma bien aimée, c'est fait ! j'ai pu laver l'affront."

"Je viens sur les lieux de nos plus tendres instants,
déposer, mon épée rougit par le sang de l'être infernal,
qui avait osé souiller votre pureté de vestale.
Au travers des contrées sauvages; j'ai traqué sans répit ce mécréant."

"Au cours d'un duel je l'ai loyalement tué,
afin que votre nom soit à jamais lavé.
Maintenant je peux sous votre arbre préféré,
m'allonger et vous rejoindre le cœur en paix.