Eventré par les habitudes, coiffé de turbans poisseux, le cavalier de long en large sillonne le globe. Que cherche t-il exactement ? Quelques nouveautés dans l'existence, du baume au cœur ? Le fossé est profondément entaillé dans la croûte terrestre.
Le voyageur dérape sur le verglas de la vie. Allongé tel un phoque du Groenland sur une banquise en perdition, la respiration presque nulle tant le corps est affaibli. Les heures sont éternellement longues à cuire à la poêle avec une gousse d'ail. L'ennui : Que faire ? Tourner dans son lit ? Bien pauvre est celui qui en souffre. Mal de dos, toux, picotements, empattement voilà les symptômes de l'ennui.
La fatigue de fuir, les désillusions, la connaissance humaine sont des piliers de l'ennui. Le soleil projette les ombres de ces trois colonnes antiques grecques sur le gazon fleuri de pâquerettes blanches. Quel ennui ! Quel manque de goût ! Quelle pâleur ces fleurs ! Le vieillard encore jeune, un hibou sur l'épaule, un livre à la main droite, trois pinceaux, une boîte d'aquarelle et les trois couleurs primaires, s'en va peindre ce décor lassant. Notre peintre est rongé de lassitude ; les combinaisons de couleurs lui paraissent limitées.
L'ennui c'est ne rien trouver d'exaltant ni à son goût, ne plus sentir, ne plus frissonner d'émois. N'importe quel enfant se réjouirait d'un rien, mais rien ne réjouirait un ennuyé. L'ennui, c'est le cyclone de la vie, les basses pressions qui vident l'individu de sa consistance.
Parfois quelques holothuries viennent pavoiser au soleil. Les canards tombent comme des mouches. La neige fond avant de tomber. Les bicyclettes rouillent avant l'orage.
Il paraîtrait que les séismes sont nécessaires pour remettre les choses en place… Le temps est parfois si long quand rien ne captive le fugitif. Demain, que dire ? Un nouveau projet ? Une nouvelle vie ? Il faut l'espérer car la souffrance morale du condamné à l'ennui est atroce.