Mon frère, j'ai appris ta mort par les nouvelles du soir. Savais-je que tu partais définitivement pour ces terres lointaines ? Comment imaginer l'horizon vaste comme le jour qui engloutit toute existence ?

Ma peine infinie se suspend sur mes joues. Pleurer n'est pas me résoudre à ton départ. Pas même témoigner, et moins encore envier ton courage. Mon hommage sera sobre, quand j'irai sur le tombeau rejoindre notre famille.

J'ai voulu rapporter les pleurs de nos forêts
Le roux écureuil, le sanglier qui l'effraie
Le hibou sur la branche et la chouette effraie
Tout fait silence enfin, et passe le vent frais

J'ai voulu que la mer te témoigne un chagrin
Tel qu'à ton sort s'élève une tempête, un grain
Et, se remémorant tes yeux en vue du Rhin
Que j'aille recueillir ton émoi souterrain

J'ai voulu que le monde ait une larme au ciel
Si bien qu'on dise encor de ces mots essentiels
Puis qu'on se taise alors de douleur démentielle
Car la souffrance infuse en nous, pestilentielle

J'ai prononcé des vers qui tout emportent. Ma rage n'est pas ton courage, mais l'univers était peut-être trop étroit pour nous deux, qui enviait ces jumeaux que mère a mis plus bas que terre. Nous avons forgé nos destins en devenirs.

La société de géographie a imprimé tes écrits. Moi, je garde mémoire de l'homme, énamouré d'une image. Et, dans mes fibres, circule un sang qui bat pour deux maintenant.