Friedrich, Vincent, Gérard, Friedrich : je vous dénomme
Sous même bannière, car vous fûtes des hommes
Non des objets de science accoutumée de foire
Tant votre œuvre était de nous assurer l'espoir
Friedrich*, qui fus poète et amoureux des arts
Tes vers admirables ne laissent aucune part
À ce désarroi qui sur le tard t'emporta
Et t'enferma dans une tour où tu fus coi
Vincent**, captif des couleurs assaillant les yeux
Tu surgis en France et apprivoisais ses cieux
Martelant de soleils tes toiles audacieuses
Fondant en jaune et bleu l'inspiration copieuse
Gérard***, qui nous comptas d'Aurélia l'aventure
Tu étais la mélancolie s'incarnant pure
Tu sauves de sonnets ta déroute future
Tes vers précieux sont un bonheur et nous capturent
Friedrich****, le philosophe estimé des poètes
Le plus dur esprit négateur qui fût peut-être
Poussas-tu la contradiction jusqu'à l'extrême :
Te nier et te vivre ainsi qu'un pensant problème ?
À vous autres qu'on somma du mot de folie
Je veux témoigner reconnaissance infinie
Ce que vous avez accompli dans la jeunesse
N'est atteint par d'autres qu'après longue sagesse
Vos jeunes lucidités, elles sont heureuses
Vous sentiez que le temps était compté, lutteuse
Vos imaginations fertiles ont du prix
Les dieux furent jaloux, ils vous ont tout repris...
*Friedrich Hölderlin (1770-1843), bascule dans la folie en 1806
**Vincent van Gogh (1853-1890), est brièvement interné en 1889
***Gérard de Nerval (1808-1855), première crise en 1841
****Friedrich Nietzsche (1844-1899), devient fou en 1889
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Pensée
Publié le 25/10/2020
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Bonjour, triste constat, il est préférable de ne pas côtoyer l'art sous toutes ses formes, ce n'est point rassurant et j'ajouterai à votre liste notre belle Camille Claudel. Bien poétiquement. |
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marquisa |
la folie et le génie ce n'est pas étonnant cela doit être invivable maintenant la folie est soignée sous d'autres noms et le génie s'éteint sous trop de projecteurs |
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justine |
Tu as le génie de l'écriture, mais je souhaite que tu nous en abreuves encore pendant de très nombreuses années....sans tomber dans la douleur. MERCI, Georges, pour le rappel de l'histoire de ces grands écrivains. Bon dimanche avec mon amitié Daniel |
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lefebvre |
Tout ce qui n'est pas commun donne de fabuleuses choses. Dans l'art, il y a souvent plus à voir dans le chemin de cambrousse que celui tout tracé. Merci pour ce très bon poème. Faut t'il que nous soyons tous fous? Le somme nous donc pas déjà un peu lorsque l'on joue avec les mots comme des cartes de tarot? |
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feuille_au_vent |
Splendide et poignant ! Votre écriture ciselée rend à ces grands esprits qui chavirèrent un hommage qui nous inspire de nous interroger quant à notre tendance à nous croire "influenceurs", sur les RS et IRL. La folie où ces Grands sombrèrent ou qu'ils traversèrent dit beaucoup de la fragilité de l'âme face au génie accordé par la Nature, ces "Dieux" qui, dans votre dernier vers résonnant comme un point d'orgue, "ont tout repris". J'ajouterai volontiers un nom, celui de Charles Baudelaire, qui ne devint certes pas fou, mais qui ne trouva jamais sa place en ce monde corseté du XIXe siècle bourgeois (ainsi s'écria-t-il "Anywhere out of the world !" en un poème déchirant) et devint aphasique un peu plus d'un an avant sa mort. De quoi devenir fou, pour le prince du verbe qu'il était, pour cette nature ardente et sans cesse en quête ... |
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Ombrefeuille |
"Il n'y a point de génie sans un grain de folie" a dit Aristote, le grand penseur philosophe grec de l'Antiquité. Les figures célèbres de la poésie, de l'écriture, de la peinture et de la philosophie à qui tu rends ici un vibrant hommage en des mots lyriques et des vers intenses, nous ont laissé les fruits de leur immense génie qui traverse les époques et les temps sans que ne se démente la grandeur de leur talent. Et leur folie, à mon humble avis, était le reflet de l'infinie sensibilité de leur âme, qui n'avait pas sa place en un siècle fait de convenances, d'apparence, de règles strictes et d'une réputation qu'il fallait défendre au mépris de soi-même, au prix de faire taire sa personnalité profonde pour être bien vu selon les canons de pensée et les jugements de l'époque. De plus, on avait, au 19ème siècle, une tendance marquée à interner les personnes qui dérangeaient justement par leurs écrits, leur oeuvres, leurs idées... enfin me semble-t-il d'après mes quelques connaissances de la façon de faire de l'époque! Merci beaucoup pour ce poème où s'exprime en une grande maîtrise poétique ton intérêt pour ces artistes, auteurs et penseurs d'immense génie. Avec ma vive amitié pour toi :) |
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Matriochka |
Marquisa, merci ! Oui, Camille Claudel, qui souffrit tant de sa passion pour Rodin, et pour enfanter ses sculptures, méritait d'être en cette compagnie que j'assemblais ! Bien poétiquement à vous. | |
jacou |
Justine, effectivement, et je t'en remercie, tu notes avec justesse que la folie se soigne, quand au génie, on le médicalise aussi bien, de nos jours, j'en suis sûr... Il ne faut pas s'écarter du rang ! Les génies sont à part (pas au-dessus, attention !) : à eux de rentrer dans le moule, genre les autistes Asperger ! | |
jacou |
Daniel, grand merci à toi pour tes mots qui sont un viatique pour une belle soirée ! Je me préserverai de la douleur, c'est promis ! Mes amitiés à tous les deux. |
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jacou |
Jonathan, sûrement sommes-nous tous un peu fous ! D'ailleurs, dans l'hôpital qu'en vérité nous habitons, nous échangeons nos délires de pleins de mots multicolores, puis nous allons chercher nos soupes du soir, et après dodos bien mérités ! Ha ha ! C'était la minute "Matrix", comme quand Neo a un "flash" de lucidité qui lui fait voir l'horreur de sa condition "véritable" (?) ! |
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jacou |
Ombrefeuille, je vous remercie de convier Baudelaire, qui termina sa vie comme un fou, en effet, aphasique, touché comme Friedrich Nietzsche par la syphilis, maladie d'époque semble-t-il puisque nombreux en furent victimes, ne pouvant plus articuler qu'un pauvre mot, lui, l'artisan génial du verbe qu'il maîtrisait, absolument, sur toute la gamme ! Il dut maudire cette fin, ironique ! | |
jacou |
Matriochka, merci de tes lignes si justes de plénitude sensible. La folie est un sujet délicat à traiter, à comprendre, et son rapport à la société "normale" qui la craint, est difficile à appréhender. J'ai lu Karl Jaspers, qui a "étudié" la crise de folie momentanée d'August Strindberg notamment, mise en relation avec Van Gogh et Hölderlin, et un livre sur les rapports du génie et de la folie, et j'ai lu les lettres et les poèmes datant du temps de la folie de Hölderlin, et les lettres, aussi, du dernier Van Gogh à son frère, et le texte souverain d'Antonin Artaud sortant de l'asile et consacré à Van Gogh : "Le Suicidé de la société"... Quelle beauté d'expression permet parfois la folie, mais quelles souffrances atroces faut-il endurer pour se déposséder de soi ? C'est si triste... La folie me fait peur, depuis mon adolescence... La mort, je préfèrerai encore ! Ne plus être soi, damnation absolue ! Avec ma très vive amitié pour toi :) |
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jacou |
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