J'allais, seul, marchant dans le fossé sous l'averse
Le sentier filait droit à travers les bosquets
Selon de charmants verts coteaux que l'ombre berce
Des oiseaux s'envolaient et leurs cris se moquaient

La rivière franchie, j'avais pris à la fourche
Le chemin de gauche, celui du plus court jet
Le pas pressé, la peau mouillée et l'air farouche
Dans ma tête une pensée qui encourageait

Pourtant, enfant, je n'avais pas cet air pressé
De verdir, qu'ont les petits que le sort dessert
Insoucieux des futurs longuement caressés
Je n'avais d'yeux que pour les jeux et les desserts

Nulle horloge n'ébruitait la scansion des heures
Sous les toits indécis où s'amassaient poussières
Souvenirs au présent, projets pour jamais, peurs,
Vraiment, de n'être rassasiés que des hiers

Je n'étais adulte que trois jours par semaine
Encore était-ce farce ! À quel moment ma mine
Se voulait-elle adroit, sage, qui se démène
Et à quel autre piailleuse, folle, gamine ?

Ainsi n'étais-je pas le même moi-même
Toujours ! Bien des fois l'on m'aurait pris pour un autre
Situation ambiguë comme je les aime
Qu'être alors interné par moi parmi les vôtres !

D'exaltantes carrières s'ouvraient sous les pas
Qui recélaient pâleurs, comédies, et des titres !
Qu'avaient mes vingt printemps de ces pitreries cas ?
Les jeunes lèvres exhalent livres et lettres...

Mais la maladie vint. Et le tourment adulte
Un monstre dissimulé chuta d'outre-monde
L'enfance prit le train d'une ultime culbute
Et dévala le torrent du temps à grande onde

Mais dans quel conte la créature vainc-t-elle ?
On lui montre sa propre fêlure : elle passe
Elle a ceux-là qui se sont bâtis citadelle,
Celui qui a des brèches de temps ne se casse

J'allais seul...où allais-je déjà sous l'averse ?
Dans la tête une pensée qui m'encourageait
Il me fallait d'autres chemins que je traverse
Et maintes vies encore avant que d'être âgé