Il est de beaux pays qui s'allongent en plaines
D'autres, plus âpres, qui escaladent le ciel
Certain paysage où luit un fleuve argenté
M'est plus familier qu'un autre en aspérité

J'aime ses hauts monts encadrant une vallée
Ses sentiers de flancs propices aux randonnées
Le vol des oiseaux fugueurs fuyant vers les cimes
Un regard effrayé qui s'étend sur l'abîme

L'à-pic ne vous prend que si vous le désirez
Se perdre en son vertige ô jeu démesuré
Qu'on joue dans la nuée, où le pas intimide
Lorsqu'on ne sait s'il va déboucher sur le vide

Le cristal des eaux tinte au creux des jeunes roches
Des arbres se font accueillants à notre approche
Ils nous enserrent, nous couvrent et nous protègent
À travers eux, nous touchons aux premières neiges

Au loin en bas le lac suspend sa pure eau grise
Comme un reflet divin, la leçon est apprise :
L'homme n'a plus de part en la beauté des choses
Nul art ne rend le sublime en métamorphoses

Très haut dans le ciel l'aigle à grand ramage noir
Passe et jette son jais aux couleurs d'anciens soirs
Silencieux et vif, il pourfend de vieux nuages
Attroupés comme des moutons à l'attelage

Quand vient le soir je me surprends à redescendre
Jusqu'ici ces doux cieux me paraissaient de cendres
Voilà la nuit fervente installant son frais règne
Je la laisse gagner, la belle souveraine...