Dans la maison du Sud plane l'éternité
Elle est masquée décente en des traits de mort lente
Les plantes sont feintes reverdissant l'été.
Parmi elles sont des Crotons, des Succulentes.

La Succulente est une Echeverria très ronde
On dirait l'artichaut par le bol de ses fleurs
Calice de verdure où danserait sa ronde
Le survol immobile d'un bourdon qui fleure.

Semblable à la fougère en terreau minuscule
Est le Croton dont se dressent bien moins spongieuses
Ces fleurs verticales où au nom ridicule
Le soleil effacé noue sa lumière ombreuse.

Dans la maison vous êtes serties en chatons
Comme ceux des saules désolés sur leurs rives
Ornements d'intérieurs que les mains à tâtons
Frôlent. Mais voici que de vrais chatons arrivent.

Tu es, Sanseveria, la plante des serpents
De ta rosette issus les rameaux de verdure
S'essorent éventail et nul ne se repent
D'admirer dans son coin tes fleurs à la vie dure.

Belle Aloé Vera, vertus médicinales
S'associant récoltées sous la forme d'un gel
Il suffit de couper ta fleur originale
La tuer, c'est le fonds d'un puits vu de sa margelle

La contemplation nue d'une beauté heureuse
De sauver qui la sacre ainsi pour être fard.
Vous êtes deux plantes d'un vert vif, savoureuses
L'Echeveria s'en vient d'Amérique et s'effare

Quand on présente le Croton du Pacifique
En vibrations feuillues de ses fleurs si subtiles.
Mais des chatons, mus par vos parfums mirifiques
Approchent, pelotons, boules de poil utiles.

Petit palmier bonzaï, tu as cette apparence
Mais tu réponds à ce beau nom de Dragonnier
Fleurant bon les îles, décores-tu la France
De palmeraies naines pour exotisme niais ?

Près de toi le «sacré géranium» qu'un chanteur
Ressentait paroles de candeurs enfantines
Ces parfums mêlés, ces fragrances et senteurs
Dont l'enfance se souvient, retour des cantines.

Vous rougissez et puis verdissez de plus belle
L'espace est clos à peine où vous dépolluez l'air
L'on mangera bientôt la bonne mirabelle
Fruit d'autre plante plus grande et sans ce mystère

En petits pots pressés dans les coins du décor.
Mais la légion douce des chatons se déploie
En quête de jeux pour remuer leurs jeunes corps
Aucun chaton ne peut rester sans un emploi.

Feuillage velouté frangé d'écume rouge
Tu ris, Coleus large, au pot qui te présente
Avec petites fleurs gravées en ronds qui bougent
Pour donner le sourire à la belle habitante.

Rouge aussi du baiser d'une reine à pollen
La Misère Pourpre étend vers le bon soleil
Le panachage ému de ses feuilles de laine
Dont toute ivre envolée va l'amoureuse abeille.

Caresses des rayons gerbés du ciel joyeux
Verdures voisines jalouses, rubis plantes
Soyeux regards de la maîtresse de ces lieux
Tombant sur vous, vous font rougir d'être accablantes.

Mais le chaton qui sort de l'acajou des chaises
Est un de ces mignons guignant leur souverain
Son frère est aussi fou qui sent sur les cimaises
Posé l'œil d'or de l'astre, un rai chaud sur ses reins.

S'il en est qui n‘aiment pas les philodendrons
La Monstera Planta est de verte fougère
Tissée d'apparence, sauf qu'auprès d'édredons
Elle est en lice, posée sur une étagère.

L'Euphorbe est un cactus qui lui fait belle équipe
Défendant d'épines sa hauteur de bellâtre
Il est haut comme six pommes, plus une pipe
Qu'une nature morte esquisse au coin de l'âtre.

Dans la pièce un grand calme régit toutes plantes
Que vient troubler soudain un chaton puis un autre
L'ordre des étoiles est de finir mourantes
Il n'est rien aujourd'hui qui du passé fût nôtre.

Chatons blanc et noir en jeux de pelotes, frasques
Ont approché ce vert paradis, fleurs tremblantes
D'être trop belles dans la pièce où les beaux masques
Des félins qui sourient, sont féeries troublantes.

Les chatons des saules sous les vents qui frissonnent
Que l'automne émotif pousse par devant soi
Pour régner souverain quand un Octobre sonne
Rouge ainsi que feuilles volant telles des soies.

Croyez-vous qu'un chaton nanti d'un compagnon
Est sensible au calme des lieux qui font accueil
À la douceur florale ? Autant dire un grand non !
Puis assister à ces combats d'âpre et long deuil.

Chaque plante reçoit la visite griffue
D'un félin bondissant tout fou qui la mordille
Les pleurs des fleurs sont des douleurs sous un refus
D'être expressives, car la pudeur de brindille

Des plantes est leçon pour les futurs beaux chats
Ils vivront la fleur de leur âge seuls, moroses
Des tuteurs pareils à ces tiges, pour rachat
Méditant toute une vie le deuil d'une rose.

Nous sommes semblables à ces chatons bien joueurs
Qui dansons sous des feux de soleil à foison
Et, dans les tristesses fanées de plante à fleurs
Contemplons des années les sucs du lent poison.

(À Yuba/Assia)

Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Nature
Publié le 06/10/2019
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 06/10/2019 à 00:11:18
Il y a dans la poésie et surtout dans celle qui se partage sur un site comme le nôtre , le pouvoir de rapprocher les peuples, les lieux et les liens ...
Les mots qui transcendent les distances, les frontières pour permettent de vivre la vie simple au temps T et au même niveau de l"émotion que les mots et les images avaient ramené au départ...

Les chatons ont fait des misères aux plantes mais ces dernières possèdent le pouvoir extraordinaire de se régénérer et de surprendre par le don de survivre propre à la nature ...

Bref , c'est pour dire combien elle me rend heureuse combien est généreuse cette composition ainsi rassemblée dans ses épisodes successives ...
Mille millions de mercis Georges pour la dédicace , cette raison supplémentaire que tu me tends pour une place presigieuse du poème dans le livre d'or ! :)
Yuba
Posté le 06/10/2019 à 05:04:55
Une lecture des plus agréables ainsi rassemblée ou le fil se poursuit pour notre plus grand bonheur
Belle de jour
Posté le 06/10/2019 à 05:46:07
Assia, grand merci à toi à qui j'ai dédicacé ce poème car je te sais amoureuse des plantes, et je sais que tu as aussi des chatons à la maison. Plantes et chatons cohabitent, avec quelques éclats et chaos il est vrai ! Bon dimanche à toi !
jacou
Posté le 06/10/2019 à 05:47:24
Gaby, merci pour ce commentaire. C'est la fin d'un poème qui n'en finissait plus.
jacou
Posté le 06/10/2019 à 07:44:22
Merci Georges de l'avoir publié entièrement et bon dimanche
Je l'ai bien évidemment mis dans mes favoris
Gaby
Belle de jour
Posté le 06/10/2019 à 11:01:08
Un poème riche de sens et d’idées botaniques et philosophiques
megapdg
Posté le 06/10/2019 à 13:34:27
Gaby, je te remercie de ton second passage, c'est vraiment gentil de l'avoir mis, ce texte un peu long, dans tes favoris. J'en suis très honoré. Bon dimanche ensoleillé si possible.
jacou
Posté le 06/10/2019 à 13:36:22
Megapdg, merci pour le message qui résume bien ce que j'ai voulu globalement faire ou traduire : l'idée de finitude et que toutes les espèces vivantes sont solidaires face à la mort. Pauvres plantes arrachées, et pauvres chatons fautifs aussi...
jacou
Posté le 06/10/2019 à 14:14:42
Il est magnifique ce poème et je te félicite Georges d'avoir su avec une fine observation nous parler en poésie d'acuité de nature et chatons, j'ai A-do-ré ! Tous les poèmes réunis rejoignent bien sûr mes favoris. Encore merci et bon dimanche !
grêle
Posté le 06/10/2019 à 18:48:47
Bon dimanche et belle soirée à toi, Marine que je remercie ! Venir à bout de cette histoire est tout un programme, car j'avais du mal à écrire au préalable. Mais, le fait de distribuer en épisodes m'a sorti de l'ornière, et voilà le travail (modeste, le bonhomme lol) ! Je suis content pour le favori !
jacou
Posté le 06/10/2019 à 18:54:23
Sincèrement Georges c'est un sacré travail d'imagination et de précision que ta plume a couché, tant mieux si tu le réalises ! Pour moi un chef d'oeuvre ce poème à relire comme on contemple un tableau plusieurs fois pour en déceler tous les aspects.
grêle
Posté le 06/10/2019 à 18:56:26
ainsi la saga verte est bien finie!!! je crois que nous sommes nombreux à avoir été charmés par cet écrit original et un peu mysterieux..merci pour cet hommage au monde végétal,et à ce sympathique clin d'oeil à l'innocence de chatons joueurs...nous les humains sommes liés à toutes ces facettes du monde que nous voyons souvent sans bien les regarder!!merci Georges!!!
Aria
Posté le 06/10/2019 à 18:58:46
félicitation également bien sur pour la performance poétique!!!
Aria
Posté le 06/10/2019 à 19:38:38
Marine, mille fois merci à toi pour cet honneur que tu me fais ! Je tente esquisser de la poésie et la peinture est un bel exemple de ce que c'est que s'accrocher à un métier, comme un métier à tisser d'autrefois. Question aussi de croyance...
jacou
Posté le 06/10/2019 à 19:41:51
Dominique, merci aussi mille fois à toi pour tes commentaires qui sont si plaisants à lire, parce qu'ils me réconfortent dans l'espoir poursuivi d'aboutir un jour au poème qu'on n'oublie pas, celui dont des vers se rappellent dans la mémoire... Comme une bonne chanson, quoi, ou un air d'opéra, ou une aria ;)
jacou
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
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