Je suis au bord du vide et me prend le vertige
La montagne est sincère avec son visiteur
Nul ne peut, impavide, avoir et le prestige
Et l'expérience amère et monter en vainqueur
J'ai, au long de ma vie, visité des vestiges
Je suis archéologue et l'Histoire sidère
Des hommes les envies, vibrantes sur leurs tiges
Sont comme un décalogue, un meurtre de fleurs fières
Ayant sondé le Temps, j'ai pleuré les nations
Coutumes défuntes, chocs des civilisés
Un seul dieu est manquant, ville en démolition
D'abord la guerre est feinte, et le suicide osé
Maintenant je parcours le domaine spatial
La montagne est si belle, à contre-jour, si verte
La forêt suit son cours sur la pente locale
En bas, parfois, se voit, une clairière ouverte
Ici, j'oublie l'humain et son chagrin moteur
Son histoire est limpide et conduit aux grands meurtres
Aux premiers siècles, maints peuples sont amateurs
Au vingtième, un grand vide, en massacres qui heurtent
Que l'air est pur là-haut, se respire un bon air
La cage thoracique aspire à pleins poumons
Dans ma poche un cadeau : recueil de Baudelaire
Je lirai ce classique, au sommet de ce mont
Qui a déclamé ces vers sur la haute cime
Ne peut plus redescendre ainsi qu'un enfant sage
Il oublie les monstres, il oublie Oscwiecim*
Clôt l'esprit à la cendre et s'ouvre au paysage
(*nom polonais d'Auschwitz, l'un des camps de la mort nazis)
Dédié au poète Paul Celan
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Nature
Publié le 26/08/2017
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"Je veux aller sur le sommet d'une montagne et jouer un air qui délivrera les humains de la souffrance" (Björk). Excellent poème qui réunit deux merveilles : la poésie et la nature. Le narrateur s'allège tandis qu'il grimpe la montagne, et cela me rappelle mon adolescence, comme je me sentais bien en haut des montagnes et oubliais tous mes soucis... Maintenant j'ai le vertige lol. Merci Jacou de ce poème grandiose | |
grêle |
Merci Grêle pour ton appréciation de mes efforts, je suis content de rejoindre Björk dans la salubrité de la cime des monts. J'ai eu aussi ce sentiment à l'adolescence d'ivresse à escalader les pentes, puis le vertige est venu par la suite : tu vois, rassure-toi, tu n'es pas seule privée de cette respiration des hauteurs. | |
jacou |
je suis une fille de la montagne et me voici confinée dans la vallée et quand je monte il se passe des choses étranges ton histoire me rappelle la photo de Chateaubriand sur son rocher coucou ma grelette björk tu vois jacou ton rôle est important tu relies les semblables |
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marinette |
Prendre de la hauteur, au sens propre comme au sens figuré est ce que nous offre ce beau poème quelque peu amer. Escalader les cimes est déjà un premier pas vers les étoiles! | |
eliosir |
Merci beaucoup Marinette pour tes lignes agréables, ton bon message m'apprend que tu es fille de la montagne. | |
jacou |
Merci vivement Eliosir pour votre message. Je ne pense pas que mon texte soit si amer que cela, il s'agit plutôt du constat fait par un archéologue (donc historien) que le passé fut chargé de mille guerres, et qu'en ce domaine le 20ème siècle s'est illustré de manière plus funeste encore. En vérité, un historien doit avoir un regard neutre et détaché sur l'histoire humaine, sa pensée seule vaquant parmi les siècles et jugeant. Une fois sur le sommet, cette pensée là qui l'occupait, il s'en détache absolument en récitant des vers choisis. Mais vous avez raison, au sommet restent nuages et étoiles à conquérir encore ! |
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jacou |
Ton poème est passionnant et purifiant car il nous emmène au-delà de nos limites et aux portes de l'Ascension de Soi. Avec cet archéologue qui a examiné et ressenti la vie sous toutes les coutures. Tes deux dernières strophes sont vivifiantes, on en prend plein la vue, les poumons et le coeur. je ne sais pas si mon terme est adapté (quoique avec les camps...) mais j'ai envie de dire que c'est le coup de grâce dans tes derniers vers. Cela devient de plus en plus intéressant de te lire, car étant du même signe, je me retrouve dans ce que tu souhaites dégager comme sentiments, émotions, convictions, croyances etc...à travers tes poèmes même si il y a le narrateur, il y a une part de toi. Bravooo ! | |
suane |
Je te remercie Suane pour ce beau commentaire qui est un approfondissement de ta lecture. Il y a bien sûr le narrateur du poème, qui voudrait dresser un bilan neutre, mais il y a aussi moi, tu as raison, qui me suis en filigrane glissé à l'intérieur du texte, partout présent quoique invisible. J'aime lire ce que tu ressens d'un texte, cela lui donne sa vraie valeur que tu sais enrichir au-delà de ce que j'ai cru en écrire, car ton point de vue est si sensible. Oui, notre signe commun nous place sous un même dais du ciel, dans un même territoire, où je suis content de te retrouver, arpentant toi aussi le paysage du vécu et victorieuse des hauteurs qu'il recèle. |
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jacou |
On y retrouve avec plaisir ce voyageur contemplant une mer de nuages du divin Caspar,méditation sur le sort de l'humanité qui ne peut se comprendre sans les vers d'un autre grand : "La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus. C’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien."(Shakespeare) C'est une vision tragique mais juste comme l'est ton poème. |
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banniange-deleted |
Merci de ta bonne lecture, Banniange. Friedrich reste inséparable de toute ascension des cimes, comme du reste un autre Friedrich, Nietzsche, et j'apprécie beaucoup que tu le cites ici. Il voisine ainsi, ce grand métaphysicien de peintre, avec le grand Will que tu cites également, afin qu'ensemble ils donnent la main à Celan et l'aident à escalader le mont du posthume, sis nulle part ou partout. | |
jacou |
On sens l'âme vagabonde du voyageur du temps...et la montagne, cette cime qui abrite le poète | |
philomène |
Merci à vous Philomène pour votre commentaire très sympathique. | |
jacou |
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