La nuit était mourante et l'aube point ne vint
Des feuilles frissonnaient malgré le vent éteint
Nous cheminions gaiement l'instant d'après en pleurs
Nous donnions notre sang de jeunesse en sa fleur
Il y avait des soirs d'étoiles si brillantes
Que nos capotes rayées apparaissaient riantes
Lors l'on aurait dit de nous des sapins candélabres…
À l'instant notre chef meurt d'un bloc qu'il délabre
Pour servir l'histoire de la compagnie dix-sept
J'ai pris mon bloc-notes où j'écris en poète
Mes vers ne passeront pas à la postérité
Je ne suis pas Goethe, Hölderlin, vérité !
Pourtant la guerre que nous menons, guerriers hâves
Contre la sauvage horde des tribus slaves
Est de notre devoir et elle est éternelle
Gloire au Führer ! Moscou rebâtie sera belle !
Nous vainquons car tout en nous est intelligence
Nos mortiers sans obus bombardent par la science
Nietzsche, Schopenhauer, Beethoven, Bach, Schiller !
Kleist, Friedrich, Heisenberg, ô Martin Heidegger* !
Heidegger mon maître tu es le Philosophe
Je suis Hermann et je fais serment à Christoph
Que le barbare russe aura rendu ses tripes
Quand nos fiancées verront revenir leur équipe !
(Rapport NKVD-1537 : Vers retrouvés dans un bloc-notes gisant près d'un cadavre allemand glacé, par le soldat Ossip du 28éme régiment de Choc, à 10 kms de Moscou. À conserver aux archives.)
*Martin Heidegger est considéré comme l'un des philosophes les plus importants du 20ème s. Il s'inscrivit au parti nazi en 1933 pour garder son poste d'enseignement à l'université dont il était le recteur, d'où les professeurs juifs étaient exclus puis déportés dix ans plus tard sans qu'il intervienne pour défendre ces ex-collègues et ex-administrés.
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Histoire
Publié le 30/11/2018
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Elle fût certainement la plus longue nuit de ce poète ! Pour nous , elle est une lecture riche de ses enseignement, que tu complètes par des contes fabuleux et aussi étoffés de poésie que d'émotion ... Le site devrait commencer à te payer pour les cours d'Histoire que tu nous offres ... Mille mercis Georges ! |
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Yuba |
Je te remercie Assia : tu me donnes une bonne idée, soudainement ! :) . Je donnerais bien des cours d'Histoire, c'est certain, mais je me dois de continuer à travers les catégories pour relever le défi lancé par Daniel ! lol | |
jacou |
"La nuit était mourante et l'aube point ne vint", voici un vers qui vous est cher pour débuter ce cheminement où d'illustres personnages se postent en mémoire. Merci Jacou pour vos talents de poète de l'Histoire! | |
Hypothese |
Merci beaucoup Hypothese d'avoir lu ce poème assez didactique et démonstratif, mais par lequel je voulais illustrer que la culture ne protège pas nécessairement de la barbarie, si elle n'est pas nourrie par la morale, la spiritualité, et la simple humanité. Hélas, le siècle dernier ne l'a que trop prouvé... J'admire votre sens de l'observation et votre mémoire, car j'ai repiqué comme premier vers effectivement "la nuit était mourante et l' aube ne vint pas" d'un poème précédent : je me suis auto-cité. |
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jacou |
Merci de révéler la complexité de l'inhumain qui s'est passé il y a moins de cent ans. Qu'est-ce que l'intelligence ? Il me semble que sans amour, elle n'est rien... Est-ce que les nazis étaient capables d'aimer, d'éprouver des sentiments, de l'empathie ? La question est à la fois fascinante et terrifiante. En tous les cas n'oublions jamais ce qui s'est passé... | |
grêle |
Merci Jacou de ces informations au poème qui éclairent tes vers posés avec sagesse | |
fee-de-ble |
Marine, je te remercie pour tes interrogations fructueuses. Je pense pour ma part que l'idéologie nazie n'avait pas la moindre considération pour les normes morales, les valeurs amoureuses ou culturelles, c'était du pur instinct biologique qui ont transformé Hitler et sa clique dirigeante en bête fauve. Dans leurs projets d'anéantissement de tout ce qui est positif, même leur propre peuple devait aussi à la fin être détruit. Oui, gardons mémoire vive ! |
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jacou |
Fée, je te remercie pour ta lecture, et ton message plein d'empathie, d'un texte mêlant le poétique et l'apocalyptique. | |
jacou |
J'ai lu ton poeme avec au début avec un clin d'oeil à un certain CRO-MAGNON ! C'est qui ? Lol mdr Tu aurais pu titrer ton texte la Nuit de cristal ! |
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CRO-MAGNON |
Je t'ai dédicacé ce poème, en effet, Cro, mais je me suis rappelé que ton domaine, dont tu es spécialiste, c'est la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre... Donc, j'ai retiré la dédicace par souci de ce fait, les deux guerres ayant peu de choses en commun, avec seulement vingt ans d'écart et les mêmes protagonistes/nations, pourtant. | |
jacou |
Pourquoi la grande guerre ! Parce qu' actuellement quand un soldat se fait tué accidentellement ou par un ennemi c'est un deuil national ! Moi ce qui me fait froid dans le dos c'est 1 400 000 morts de francais tués à l'abattoir, 1 400 000 de fois de plus ! |
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CRO-MAGNON |
Passionné par l'histoire, par la stratégie militaire également, je te comprends. Il est beau que la nation ait tenu lors du premier conflit mondial, et cela se paya, comme tu l'indiques, de lourdes pertes humaines. Gardons mémoire, comme tu gardes mémoire, de ceux qu'on appelait les Poilus, et qui n'ont pas tous reçu l'hommage national qui leur était dû : je veux parler des "fusillés pour l'exemple". Leurs familles ont été obligées d'attendre longtemps que l'État les honoré aussi, eux qu'on prétendait mutins... Sur la question du deuil national octroyé dans l'optique actuelle, avec des soldats tués et accidentés en faible nombre, je ne peux pas me prononcer sur l'opportunité de ce deuil ainsi octroyé, mais cela pose la question du seuil d'acceptation de la mort au combat dans nos sociétés modernes. |
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jacou |
La différence entre actuellement et 14 18 c'est que les 1 400 000 morts c'était des appelés qui ont été tués par dizaines de milliers à chaque assaut sous les ordres de généraux planqués à l'arrière qui les considéraient comme de la chair à canon tandis que ceux de maintenant sont des militaires de carrière | |
CRO-MAGNON |
C'est vrai. Il y a aussi des différences concernant les théâtres d'opérations : la nation en danger en 14-18, des opérations extérieures au territoire national de nos jours. | |
jacou |
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