La nef d'argent était refaite à neuf pour nous
Le navire étreignait les "saules riverains"
Ce spectacle faisait obstacle à nos yeux doux
Dressé devant nous qui étions des souverains
La belle nef à la pure ligne esquissée
Qu'un dessein hâtif avait gréée pour la mer
Les sureaux l'entouraient telle une couronnée
D'un jour faste où nos vœux allaient sonder l'amer
Les vagues où nous voguâmes portaient notre âme
À des désirs sidérants d'azurs d'un bleu pur
Nous étions dix à bord, des messieurs et des dames
Porteurs d'une mission, défricheurs d'aventures
Le ciel avait la vive teinte du navire
Où que nos yeux portaient sur l'horizon des brumes
Nous ne sentions plus les bornes d'un monde en délire
Qui nous tendait de droit ces rêves qu'on allume
Des cendres d'incendies noircissaient tout le ciel
Un volcan colérique avait tonné naguère
Sur ce Rivage des Syrtes, choc démentiel
Dont nous recueillions les feux tel un fait de guerre
Les hommes servaient du thé aux femmes en armes
Un jour sur deux, puis nous échangions nos fusils
C'était un jeu, nos joues singeaient des rires, larmes
Et alarme avaient leur part en ces bords, aussi
(Nous longions l'Afrique, revivant les moments
Où Hannon de Carthage avait voyagé, lors
Des siècles après, Magellan fit mouvement
Et encercla le continent d'ivoire et d'or)
Nous nous tenions toujours au bastingage avant
Friands de découvrir tant de bonheurs nouveaux
La beauté d'un grand ciel où souffle un très fort vent
Démêlant les mèches des dames parées d'eau
Les nuits étaient saintes comme les jours joyeux
Il y eut plus d'une idylle à fêter céans
Tout nous absorbait cru, tout était pour nos yeux
Le voyage dura longtemps sur l'océan
L'enchantement prit fin en touchant au vieux port
Les docks d'Orsenna étaient tout pleins d'un grand bruit
Il se disait que la guerre était un confort
Que les Syrtes donnaient à la mort tous les fruits
Nous les civilisés aimont courber l'échine
La culture a sa mort ainsi que toute plante
Un déclin d'occident pour que vive la Chine
Plus civilisée que nous, plus à plaindre, entrante
Nous aimons trop la guerre renouvelant les sorts
Le jeu gagné perdu est de lancer les dés
De la chance, espérant accélérer l'essor
De nos vies vers leurs morts, sinon pourquoi plaider ?
(Inspiré du "Rivage des Syrtes", roman de Julien Gracq)
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Evasion
Publié le 16/03/2020
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Un bel hommage rendu à ce romancier inspiré dont les oeuvres(Le château d'Argol, Le rivages Syrtes, Un balcon en forêt),sont autant de joyaux romanesques qui touchent à la perfection, je reste réservé sur ses commentaires littéraires un peu trop orientés par son surréalisme intransigeant mais cela ne ternit pas la magie de nombreuses pages(hasard "objectif" pendant que tu publiais ton poème, je parcourais son oeuvre complète publié par la Pléiade-emprunté à la bibliothèque-trésorerie oblige...Bonne journée en télé-travail? | |
Banniange |
Bonsoir, Défricheurs d'Aventures .. J'aime beaucoup l'expression ! Et là, ces Mots , sous votre Plume toujours aussi fidèle au Sujet emprunté nous permet de voyager dans vos Lectures et vos Ressentis ! Merci, Lys-Clea |
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Lys-Clea |
Somptueux poème qui me fait penser au voyage d'Ulysse. Ce voyage des Syrtes semble aussi une aventure riche et mouvementée, merci de cette inspiration du livre Georges, que j'ajoute à ma pile. | |
Ombellune |
Sublime ! Une lecture qui emporte vraiment à travers cette histoire extrêmement bien narrée...je suis admirative devant cette inspiration poétique que je trouve difficile de réaliser à partir d'un roman ...à moins de mairiser toutes les ficelles littéraires et de réussir l'insérer aussi bien dans un écrin poétique ...bravo Georges pour cette évasion dans l'espace et le temps...un favoris ! |
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Yuba |
Le voilà, ce poème qui avait mystérieusement disparu comme un vaisseau fantôme, englouti dans le néant comme l'Atlantide! Je suis heureuse d'avoir pu embarquer à bord du navire de votre poésie pour lire cette fresque épique aux accents mythologiques que votre talent nous offre. Un enchantement. Merci beaucoup pour ce moment de littérature associée à l'esprit des grandes légendes antiques. Avec toute mon amitié :) |
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Matriochka |
Merci jacou de m'avoir ramené à ces mystérieux rivages... Cet ouvrage restera toujours pour moi une délicieuse énigme indéchiffrable. Votre poème m'a fait voyagé... Et je ne dis pas non en ce moment ! Prenez soin de vous. |
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Naliwe Lewan |
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