Le lac est gelé depuis que l'hiver a jeté son manteau de fin velours blanc sur notre contrée. À perte de vue, de la vallée val aux alpages sertis dans un défilé de montagnes où la sublime beauté surprend le voyageur égaré, sont des pentes neigeuses descendant vertigineusement vers l'enclos figé d'un lac dont la surface est troublée par le ciel qui s'épanche et la vie reflétée, onde bleuie dans sa fragile froidure. On raconte une histoire sur la noyée éternellement prise dans les roseaux et joncs que toute étendue d'eau piège.
Les filles folles, les Ophélie, sont de tout pays qui a des légendes pour se conserver dans la mémoire humaine. Dès lors ses bergers, ses paysans, qui n'ont plus de bêtes ou n'attellent aucun soc, rêvent à des fourches caudines pour passer les examens qui les feront descendre à leur tour des vallées splendides et tranquilles, où rien ne vient relever la vie ordinaire, si ce n'est le paysage en son vrai sortilège qui retient, vers les bourgades aux têtes éperdues d'efficacité humaine. Moi je respire chaque jour un bouquet, mon florilège.
Les gens de peu manifestaient leurs vies sur des ronds-points. Les autres, plus nombreux, regardent des lucarnes lumineuses où ils viennent quêter l'azur dont le ciel s'est voilé pour la saison, et, parfois, par les trouées qu'ils perçoivent sur ces écrans qui les reflètent, ils sourient doucement à des lendemains heureux. Ils mangent leur pain d'épice et boivent leur miel comme des gloutons, en regardant un tapis de neige.
Je suis un berger qui a renié une autre vie des villes. J'ai installé un gîte à mi-pente pour que le vertige chaque matin me surprenne et qu'en moi s'extasie ce monde. Je suis l'ermite de ce coin adorable, une denrée périssable partout sauf à des carrefours silencieux où l'humanité dans sa pérennité dépose des témoins appelés par une nécessité d'occuper les postes de sentinelles du passé. Qui se souvient sera plus vigilant. Rien de mieux que la haute montagne pour ceci, mais toute pensée désormais m'abrège.
Vous me verrez donc en compagnie de guides, de randonneurs et de gendarmes, occupé toute la saison à ordonner décemment notre coin d'espérance de vivre plus au vrai, au souffle de cette haute licence que permettent les montagnes quand elles inspirent peintre, poète ou marcheur passant d'un jour. Mes bêtes sont heureuses, ceci suffit à ma vie nouvelle. Une seule question m'occupe encore quelquefois : où vais-je ?
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Evasion
Publié le 08/04/2019
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Sublime prose ! Que j'ai lu d'un trait comme l' introduction d'un roman , un bel imaginaire nous entraine vers des paysages lointains mais rendus proches par l'émotion qu'ils dégagent , par la perception personnelle du narrateur ...merci pour cet instant littéraire Georges , en espérant une suite où tu pourras trouver peut être , une réponse à la question ! |
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Yuba |
Je te remercie Assia ! Ce serait mon rêve de vivre cette vie-là, tranquille et retirée. Alors, peut-être écrirais-je une suite répondant à la question finale... | |
jacou |
j'ai le même rêve finir seule dans une cabane emmène-moi |
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marinette |
Je te remercie, Marinette : viens, partons ! | |
jacou |