"...Sire, absolument, et vous serez bien surpris
Quand je vous aurai dit le fin mot de l'histoire
Mais d'abord prêtez-moi l'attention par l'ouïe
Oubliez un moment toute notion d'espoir
Nous allâmes naguère en la lande perfide
Je la dis perfide, car habitée de brumes
Et rien d'autre ma foi que cette étendue vide
Donnait l'envie de fuir, c'est ainsi, nous le crûmes
Nul hurlement, nul chien d'enfer, un lourd silence
Mes hommes avec moi frissonnaient de stupeurs
Car nous voyions devant une haie improbable
Surgie d'un vrai néant s'étendant vers l'ailleurs...
(Ce que je vais dire tient lieu de l'improbable...)
Derrière cette haie...il n'y avait rien, rien !
D'un côté, le monde où nous nous tenions, enviable
De l'autre, l'absolue éternité du Vide
Ce Vide universel qui gouverne les Sphères
Celui qu'un philosophe appelait l'Impossible
Impossible puisque nous sommes la Matière
Et que la Mort existe et forme l'invincible
En présence du Vide, dites, existons-nous ?
Qu'est-ce que notre mort, face à l'éternité...?
J'entends bientôt, soudain, un remuement dessous...
Qu'était-ce qui bougeait du fond d'un monde nié...?
J'ai lu le "Nom des Morts", le Nécronomicon
Je crois pouvoir dire en quoi je fus terrifié
C'est que je distinguais un peu la Chose au fond
Ressemblant à Yog-Sothoth*, dieu qui nous défiait...
J'ai perdu mes valeurs, ce jour-là, en service
Puis, mes hommes, tantôt, sont tombés dans un puits...
Nous n'aurions jamais dû combattre un si grand vice !
J'étais homme de guerre, et maintenant je prie...
Non pas le Ciel, je n'y crois plus, mais le Satan
Vous vîntes m'engager ainsi que nécromant
Souffrez que je dise ce qui nous, vous, attend
En cette matière, jamais je ne vous mens !
L'espace monstrueux va avaler le monde
Notre soleil est la supernova** qui meurt
Les Grands Anciens*** sont en train de manger, immondes
L' étoile ayant couvé longtemps notre demeure !"
À ces mots, je me rembrunis et j'intervins...
" Comment, me dites-vous...? Notre planète au centre..."
Étaient mes mots furieux contre cet être vain !
" Vous blasphémez ici ! Je vous mets au fer, diantre ! "
La torture lui fit dire qu'il divaguait
Il se ravisa tard mais mourut des blessures
Pour moi, je règne sur un royaume aux aguets
La lande chaque jour gagne du terrain sur...
J'ai perdu les vignes qui faisaient ma fierté
La lande avance et, par delà, il n'y a point !
Il dît la vérité, mon Dieu que j'ai défié !
Le Vide nous avale, et un monstre hurle au loin !
*Divinité/bête monstrueuse inventée par le romancier fantastique Howard P. Lovecraft.
**Une supernova est une étoile en train de mourir et qui va exploser.
***Cohorte des dieux/bêtes créés par Lovecraft dans son œuvre, et premiers habitants de notre Terre selon sa mythologie.
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Fantastique/Sf
Publié le 02/09/2017
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j'ai peur super mamie |
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marinette |
Une réflexion intéressante sur la part de l'Eglise face à la science... Quoi choisir quand on est croyant ? La théorie d'Adam et Eve ou le darwinisme ? Je me le demande encore, la théorie d'Adam et Eve a quelque chose de plus poétique qui me séduit ;) Merci pour cet excellent poème Jacou | |
grêle |
J'ai peur ! Peur du monstre NecronoMACRON ! | |
CRO-MAGNON |
Merci Marinette : n'aie pas peur, ce n'est qu'un conte pour adultes, et pour les grands enfants aussi, et les poètes de sept ans dont parlait Rimbaud... | |
jacou |
Merci Grêle de ton commentaire qui axe le texte vers sa dimension "scientifique" à laquelle je ne songeais guère en l'écrivant. J'ai placé la scène à l'époque du Moyen Âge, période à laquelle, je crois, tout le monde mettait la Terre au centre du monde. Il faudra attendre la Renaissance et Galilée pour battre en brèche cette croyance. Que choisir quand on est croyant ? demande-tu. Chacun est libre de suivre son choix d'explication quant à l'organisation logique de notre univers. Il existe des scientifiques croyants : ils choisissent en leur âme et conscience. Nous avons un esprit poétique, quasi magique, conservons-le. |
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jacou |
Merci Cro : n'aie pas peur, il paraît qu'il se trouve un "Necronomicon" à la Bibliothèque Nationale de France... | |
jacou |
J'aime beaucoup la forme en dialogue de ce texte qui donne du vivant à l'ensemble, toujours fort bien écrit. On y retrouve un avatar de Galilée et surtout ce vide immense qui dérange. Le vide est le constituant essentiel de l'univers. Nous sommes fait de vide, les atomes aussi, l'espace est un vide. La matière n'est que vibration du vide. Ce même élément pourrait même nous sauver des énergies polluantes car il semble qu'il en regorge (énergie du vide ou énergie du point zéro). Le vide n'est pas plus le diable que dieu, c'est nous, c'est tout. Il est la trame sur laquelle fluctuent les ondes qui créent toute chose. | |
eliosir |
Lovecraftien en diable , ton beau poème n'échappe pas à cette angoisse existentielle que Leibniz avait résumé par cette question percutante : "Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien?". La théorie quantique y répond par une autre : "Pourquoi y a -t-il plus de rien que de choses"? Et nous sommes pris de vertige en imaginant comme Hawkind qu'il y a un pluviers.... |
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banniange-deleted |
Merci beaucoup Eliosir pour ce commentaire fort argumenté. J'aime apprendre et voici une belle leçon de physique que je lis là : oui, le vide sidéral est notre matière constituante et tout l'univers est régi par les mêmes lois que l'homme en tâtonnant a peu à peu établies. Mais quel vertige il y a à constater cela, quelle crainte métaphysique peut-on faire sourdre de telles constatations : alors Dieu devient le paravent de nos angoisses. | |
jacou |
Rien c'est rien ! Mais trois rien c'est deja quelque chose ! Il faut passer le mur de Planck. |
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CRO-MAGNON |
Merci Banniange : tu as parfaitement raison de citer la théorie quantique. Le "rien" est une idée de cauchemar, ou plutôt, car rien n'est cauchemar dans le domaine des idées - tout dépend en fait de leur réalisation -, le "rien" est l'idée dernière que nous nous sommes forgés pour représenter l'absence des choses. Qu'y avait-il avant le "big bang" originel ? J'ai plus d'une fois tremblé d'effroi cérébral en tentant de m'imaginer cela : c'est là ma non-conception du vide... Tu termines ton com en citant Hawking et la théorie des multiples univers, je t'en remercie, je vais plonger dans cette folie comme représentation scientifique. Seule une formule peut encore sauver mon esprit : "Cthulhu fhtagn " lol ! |
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jacou |
Oui, Cro, un homme haut comme trois pommes peut se représenter trois "rien", mais un milliard de "rien" ne fait rien à l'affaire. Et notre homme avec ses pommes (dont une, souvenons-nous, a été dérobée dans le jardin d'Eden) pourra toujours additionner (il n'a pas droit de multiplier, cela ne résoudrait rien), il n'en obtiendra toujours qu'un "rien" à la puissance "rien". Reste la pomme à croquer, savoureuse, du jardin d'Eden pour sauver la mise... | |
jacou |
Sympathique quête du bout du monde D'un hypothétique lieudit où le diable Que vous évoquez serait à la ronde Imprégnant l'inquiétante atmosphère de votre fable Laquelle à s'y méprendre Semble de quelque Poète émaner Contant récit qu'heureux d'apprendre Intrépides rêveurs et aventuriers Sitôt finie l'histoire d'être contée Fuiraient rejoindre le tombeau des âmes damnées collectionnées par cet ésotérique et menaçant sentier. |
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Comtedesaintgermain |
Merci Comte pour ce commentaire en vers finement tracés de votre élégante écriture. Je vais tenter de vous suivre sur ce sentier là : Ces temps-là qu'on dit être Moyen Âge N'étaient pas plus heureux qu'aujourd'hui même Mais plus croyants, oui : était-ce avantage ? Cela soulevait un tas de problèmes. La science n'avait pas encor vaincu Les symboles illustraient les écus. Le mythe troublait fort : belles légendes La religion se portait saintement Aussi les hommes, ici, appréhendent Avec crainte ce grand vide, vraiment. Ils ne peuvent qu'outrer ce conflictuel Dilemme en s'armant de leur vindicte Que jadis enseigna pour l'essentielle Formation religieuse qui se dicte. Depuis, la science a expliqué ce vide Qui ne rend pas l'univers plus limpide. |
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jacou |
On aperçoit d'ici blanche fumée, Entend aussi les os craquer : Le maître de cette sombre contrée Saura sans fin vous torturer. Le conteur à la taverne, Avide tenancier Vous avait contre deniers Indiqué l'escalier Pour rejoindre la poterne Donnant elle-même accès au sanguinolent chantier ; Car le diable ici da s'affaire à sa funeste tâche ! Que ne restâtes-vous au comptoir À savourer votre fin falerne ? Vous étiez tel ours à l'abri dans sa caverne, Vous voici en proie au désespoir ! Et certes mieux vous eût encor fallu passer pour lâches Que de défier les ténèbres : adieu Et non au revoir... |
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Comtedesaintgermain |
Vous vous y entendez, Comte, pour rendre crédible la sombre atmosphère que vous dressez : le Diable n'a pas son pareil pour égarer l'âme des damnés qu'il veut chérir dans l'éternité de son règne poisseux, et poissonneux sont les bassins où il attrape les malheureux ivres de péchés afin d'en dresser des légions de disciples qui le serviront au-delà des siècles que nous pouvons concevoir... Le Diable règne quand Dieu s'efface un moment dans l'imaginaire du genre humain, si influençable lorsqu'on y songe bien. | |
jacou |
Waouh ! Un très beau poème conté par un savant tel que toi ! Et cette longueur...Tu es un mangeur de vers ! T'arrive-t-il de faire une indigestion ? lol. Je reste sur tes quatrième, cinquième et sixième strophes qui me parlent le plus. Pour moi, la mort n'est pas une séparation radicale, c'est simplement le passage d'un état à un autre. On quitte notre corps physique, on passe sur un plan vibratoire différent où la vie se perpétue par l'esprit. Je pense que c'est à nous, aujourd'hui, d'accéder à un niveau de conscience plus éveillé pour pouvoir voir avec les yeux de l'âme, l'autre côté du miroir...Allez ! on y croit...on y croit...Jacou. Bravo ! | |
suane |
Merci Suane : je suis un gros mangeur de vers, j'en raffole tant que j'en ingère des assiettes entières, des bols, des cuillerées, que dis-je des marmites de vers ! La mort, puisque nous en parlons, est comme tu dis une transformation en un autre état de notre être qui se dissout pour rejoindre le grand Tout, la matière de l'univers, et sa capacité psychique à nous enrober dans un linceul de supra conscience. Oula, j'ai peur d'écrire soudain du charabia. Je veux dire, et ça rejoint ce que tu dis sur le plan de l'esprit, que l'univers est aussi un vaste psychisme qui nous contient, nous unit, tire énergie des ondes que nous dégageons, car il tire énergie de tout. Je suis content de savoir que tu as sondé et cherché ce niveau de conscience plus éveillé que tu cites, qui est la quête éperdue en toute vraie religiosité comme dans la philosophie, ce que l'écrivain Robert Musil appelait "l'autre état", qui rejoint la mystique. Déjà, les philosophes présocratiques unissaient le plan de l'esprit et la matière, et leurs recherches, avec Pythagore, adjoignaient la mystique des nombres et la religion... Bon, on y croit, Suane, on y croit...et cela se réalisera ! |
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jacou |
Immense Bravo Georges ! Pour l'imagination la structure et la narration |
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Yuba |
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