En ces temps-là de grands vents passaient sur nos plaines
"Ah que l'air est salubre il faut tenter de vivre !"
Scandaient des prophètes soufflant à gorges pleines
Nous allions respirer cet air qui rendait ivre

Et nous trempions la bouche aux calices des verres
Goûtant à ces vers drus comme l'eau de jouvence
Fraternel était cet essor non moins sévère
Qui nous dictait nos mots sur des tables d'enfance

Et nous errions ainsi de chapitre en chapitre
Parmi les lourds vélins des fleuves grands poètes
Dont l'estuaire charriait des images de pitre
De Charon, d'un Dieu fort, d'une femme coquette

Dans ces jours neufs où j'aime une femme très belle
Où j'échange avec elle un sorbet de poèmes
J'aime à penser que la glace à la mirabelle
Nourrit moins son homme en amour que les mots mêmes

Un ciel constellé d'or déploie la tendre image
Qui sous mon dais tissé d'aise a remplacé l'art
Je sais que l'éprise rose a l'épine sage
Et qu'elle aiguise en prose une blessure fard

La cause prochaine qui me verra vieillir
Je la veux composer auprès de ton carrosse
De fée des forêts qui sait le bois assaillir
Quand tendre éclot sur toi mon désir de grand gosse !