Un condensé de feu, de flamme, un incendie
Noie tous ces feuillets composés aux temps jadis,
Où l'homme d'aventure amadouait les étoiles
Pour rendre leur aspect sur de vibrantes toiles
Et dessiner de ses mots les anciens desseins
Comme on étale des mots qui fouaillent le sein,
Et qu'on aspire invaincu aux vieilles débauches
Il y aura toujours pour ces arts de l'embauche...
Oui, vieux César, que mes mots amènent en rime
Tu fus l'empereur de tous les antiques crimes
Et brûler Rome n'en fut qu'un chapitre entier
Quand nous voulons aujourd'hui être des rentiers.
Se peut-il qu'un mot soudoie notre imaginaire ?
Qu'il tisse mille fils où, vibrant de nos nerfs,
Il ira quérir dans sa toile mille aspects
Fatigant le cerveau dénué de toute paix ?
Appelons-nous par ces mots qui sont étincelles
L'art d'Apollon revu de manières nouvelles ?
Car dix siècles de poésie ont travaillé
La langue française, et les vins embouteillés
N'ont plus même saveur depuis Villon, Marot,
Bus après Baudelaire et Verlaine et Rimbaud
Tandis que se noie l'incendie dans tes prunelles
Consumés les feuillets épars en étincelles,
Je rêve à nos amours qui furent incendiaires
Comme toute passion à son seuil liminaire
(Je te sais patiente avec moi comme est ta flamme,
Et je veux que nous puissions conjuguer nos lames
En savante escrime encor durant des lustres,
Que demain des serments amoureux nous illustrent)
Tandis donc que feuille au vent élève ses cendres
J'aspire à la montée, jamais à redescendre
Comme ma vie fut trop de fois montagnes russes...
Je veux le roc de ton amour, petite puce.
Cheminons ensemble en montagne et en forêt,
Buvons l'eau des fontaines taries à jamais
Après nos passages mouvant les cieux altiers
Car nous sommes deux géants dont le monde entier
N'épuise pas les contours et l'ombre jetée.
Nous sommes pèlerins de l'éternel été,
Nos amours jumelles ont pouvoir d'un grand feu
Qui illumine de la terre jusqu'aux cieux
Et le long des flammèches heureuses qui filent
Je jette les mots de toutes mes vieilles îles :
Crépuscule, aurore, aube, prunelle dorée
Soleil, décembre, étincelle, ambre mordorée.
Je fais un grand feu de poésie essentielle
Un condensé de flamme, et je le voue au Ciel.
Et, pour peu que l'urne ait débordé de ces cendres
Je souffle un air léger pour les faire descendre,
En tapisser le sol comme effets de roses
S'étalant en pétales ainsi que la prose,
Et, mourant dans leur sommeil ainsi que les choses
Dont on dit qu'elles nient l'Histoire âcre et morose,
Je les veux pour nos pas faire un tapis de feuilles,
Que, ta main dans la mienne, nous allions au seuil
Sur ce pavement d'un sol que nos yeux irisent,
Qui nous attend avec ce fond de cendre grise
Des ciels fuligineux que les peintres étalent,
Tel Friedrich pour le dais de son moine fatal.
Et c'est alors que nous sortons de l'histoire
Par la petite porte avec cornes d'ivoire....
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Amour
Publié le 29/12/2016
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Me suis enflammée en lisant, sourire, j'ai apprécié le tout, ma préférence va pourtant sur la première partie. A cause d'Apollon peut-être... Clin d'oeil à CRO-MAGNON | |
Jessie |
A la fin de son existence, Virgile fut sur le point de brûler son oeuvre exceptionnelle, déçu probablement par les agissements d'Octave, cette anecdote forme la trame du roman prodigieux d'Hermann Broch intitulé : La mort de Virgile", ta belle flânerie poétique et crépusculaire m'y a fait penser et j'aime particulièrement "le dais du moine fatal"qui aurait si bien illustré le poème.Je déposerai prochainement un texte assez semblable au tien sur le plan incendiaire! | |
banniange-deleted |
Merci Jessie pour ton commentaire qui me revigore : oui (sourire) j'ai nommé Apollon comme un clin d'œil à CRO-MAGNON ! Je me suis enflammé en écrivant, et maintenant ma poésie n'est plus que cendres... |
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jacou |
C'est superbe !! J'ai beaucoup aimé les images utilisées comme celles pour désigner l' "art d'Apollon" et celles de la fin, ah oui j'aime beaucoup cette poésie de flamme !! | |
Eleidora |
Je te remercie banniange pour ton message plein d'enseignements : Franz Kafka demanda aussi à son meilleur ami de brûler toute son œuvre après sa mort, et heureusement ce dernier le trahit ! Que n'eût-on pas perdu là comme chefs-d'oeuvres ! La modernité ne se conçoit pas sans le "Château", le "Procès" ou la "Métamorphose", et l'Antiquité dénuée de l'Enéide aurait été une catastrophe du monde latin ! Inutile de te dire que je guette avec impatience ton poème incendiaire à venir ! Je te souhaite de bonnes fêtes de fin d'année et mes meilleurs vœux pour celle qui vient ! |
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jacou |
Merci beaucoup Eleidora de m'avoir lu si intensément ! Je vous recommande "La Maison du Berger" du grand poète Alfred de Vigny, je me suis lointainement inspiré de ses stances sublimes pour le ton de mon poème. |
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jacou |
J'ai trouvé le poème très romantique par tous ces petits indices. Belle poésie que vous nous avez une fois de plus amené. Merci Jacou. | |
suane |
Merci suane pour le message et pour le romantisme ! | |
jacou |
Belles flammes poétiques ! | |
Yuba |
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