Si vaste est le monde ouvert au rêveur
Qu'il n'en connaît plus les minces rivières
Et voudrait pour navire avant-coureur
La noix ; et son humeur aventurière
Aurait l'océan charmant de couleurs,
Où navigant sa voie particulière,
Il divaguera ses peurs de terrien
Pour l'ombre d'un rien.

Variant les femmes en bouquets de fleurs
Et cueillant ravies même les plus fières,
Il verrait bien fort comme plus sûr leurre
Pour seul vêtement sa feuille de lierre,
Cuvant dans le vin son parfait bonheur
Toujours prêt à voir l'appel des bannières,
Suivrait-il, l'homme faible fait d'atomes
Le pas d'un fantôme ?

Couvant ses idées comme un bon penseur,
Soutiendra-t-il, las des pensées dépensières
- La tête vidé qu'à nouveau effleure
Le soupçon d'un doute où tremble son flair -,
Quand bourdonnant l'abîme raisonneur
Est en débat intérieur sa tanière,
Redevenu son cerveau fainéant,
L'idée du néant ?

Alternant maussade un chagrin de pleurs
Avec l'oubli farceur d'un coeur de pierre
- La rosée morose aux matins frimeurs,
L'ironie rieuse aux soirs de premières -,
Voudra-t-il un jour d'épileptique heurt
Dans l'air que d'antiques peurs asphyxièrent,
Lors qu'en lui succède à la frénésie,
La paralysie ?

Et si tout s'abreuve aux sens suborneurs
Qui font valser les gens dans les ornières,
Et souvent dévient le sens de l'honneur
Vers le sentiment le plus ordinaire,
Les mentirs vrais des grands ordonnateurs
Ont pour sapeurs les vieux destinataires
S'il reste toujours une solution :
La révolution.